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Fête du Tibet : les trésors de l’altérité

Les 6 et 7 Octobre se tient la désormais traditionnelle « fête du Tibet » au Laü : deux jours durant, votre M.J.C. devient une porte s’ouvrant sur ce pays, son peuple, sa culture et ses traditions, que l’Association Paloise Pour l’Art et la Culture du Tibet) vous invite chaleureusement à franchir, tel un pont reliant l’ici et l’ailleurs, soi-même et les autres. L’APACT est une association humanitaire exclusivement composée de bénévoles qui vient en aide aux réfugiés tibétains fuyant l’oppression du gouvernement chinois et vivant en exil dans des camps installés depuis 57 ans en INDE et au NEPAL.

 

 

L’Aventure humaine
 

« Heureux qui comme Ulysse, a fait un beau voyage, – Ou comme celui-là qui conquit la Toison – Et puis s’en est retourné, plein d’usage et raison, – Vivre entre ses parents le reste de son âge! »
Le célèbre vers de Du Bellay, pourrait aisément illustrer le début de l’aventure qui transforma le voyage de cinq amis au Laddakh en un engagement associatif humaniste à travers lequel les bénévoles de l’APACT fondent leur action militante, depuis plus de 30 ans aujourd’hui.

Lorsqu’ils décident de partir en voyage au Laddakh, une région de l’Inde orientale communément appelée « petit Tibet » en raison de la forte population de ressortissants tibétains en exil qu’elle accueille, le groupe d’amis est loin de présager le tournant et la continuité que prendra leur aventure… Leur motivation première se fonde sur la curiosité et la découverte, celle d’une culture, d’un milieu, d’une faune aussi que l’un d’eux projette alors de comparer avec celle qui peuple nos Pyrénées. Mais comme souvent dans les récits de voyage qui nous marquent, c’est par une rencontre que le périple prend un tournant inattendu pour se transformer en véritable aventure humaine.

« Le Laddach s’ouvrait tout juste au tourisme alors, se souvient Denise Campet, l’une des voyageuses du groupe et aujourd’hui présidente de l’APACT. Si c’est la splendeur des paysages qui nous a saisi au premier abord, alliant jardins verdoyants, montagnes ocres et plaines s’étirant à perte de vue, la véritable découverte, le trésor de notre voyage furent les Tibétains eux mêmes. Bien que vivant dans le plus grand dénuement, exilés de leurs pays, dans des camps de réfugiés où leurs possessions matérielles s’avèrent des plus sommaires, ils nous accueillaient avec un indéfectible sourire, aussi radieux et rayonnants que leurs montagnes, empreints d’une sincérité et d’une chaleur humaine palpables. Ils ne semblaient pas malheureux, c’est même tout le contraire et partageaient volontiers avec nous le peu qu’ils possédaient mais aussi et surtout leur culture, leur art de vivre, leur regard sur le monde, leur philosophie de vie… C’est bien là leur plus grande richesse, leur plus précieux trésor et c’est ça que nous essayons de défendre et donner à voir aujourd’hui au sein de l’APACT et avec la fête du Tibet : un patrimoine, une histoire, un peuple aux richesses culturelles et spirituelles inouïes ».

« Résister par ce que l’on est »
 

Plusieurs voyages au Laddach suivront cette première incursion au cœur des camps de réfugiés tibétains. Les cinq amis, résolument marqués par leurs rencontres, se posent alors la question de la réciprocité de leurs échanges. « Nous avions tellement reçu de ces rencontres, leur hospitalité, leur prévenance, leur réelle générosité, mais qu’avions nous offert en retour ? Comment leur témoigner de notre gratitude ? C’est la question que nous nous sommes tous posés et qui fonda par la suite l’action de l’APACT ».

 « Il faut comprendre la situation et la profonde violence dont sont victimes les tibétains, explique Denise. C’est toujours un déchirement de vivre en exil, d’abandonner son pays, de quitter ceux que l’on aime. Depuis les années 50, c’est l’ensemble du Tibet, de sa spiritualité, de sa culture même qui est menacée d’extinction par le gouvernement chinois. La religion tibétaine est carrément proscrite aujourd’hui au Tibet, tout comme sa langue qu’il est tout simplement interdit de parler, sous peine d’aller en prison à l’instar de Tashi Wangchuk, un tibétain militant pour la cause de son pays et qui est aujourd’hui emprisonné pour avoir défendu le droit de parler sa langue maternelle dans les tribunaux chinois, alors même qu’il suivait les procédures légales du pays. C’est d’une violence inouïe que d’interdire à tout un peuple d’être ce qu’il est, de renier son histoire, sa langue, sa religion, son âme en somme, comme en témoignent les nombreux tibétains qui, désespérés, s’immolent par le feu pour lancer un cri d’alerte au monde ».

Après avoir organisé plusieurs colloques et autres rencontres donnant à voir la culture tibétaine à travers des focus sur les camps de réfugiés au Laddakh, les membres du premier voyage rejoints par d’autres bénévoles sensibles à la cause tibétaine fondent l’APACT, en 1985. Comme son nom l’indique, cette association entièrement constituée de bénévoles a pour premier objet de donner à voir l’art et la culture du Tibet, à travers des rencontres, expositions, diffusions de films, conférences, tables rondes pour lutter contre la politique d’acculturation extrême qu’impose la Chine au Tibet. Pour un Tibétain, le choix est cornélien : rester au pays maternel et subir de plein fouet les exactions et l’omerta imposées par cette politique dictatoriale, avec tout ce que cela comporte de souffrances, ou alors s’exiler, quitter leur patrie afin de rejoindre des camps réfugiés où il reste possible d’être ce qu’ils sont, des Tibétains, avec une langue, une culture, une religion, une philosophie, une spiritualité. Dans les deux cas cependant, les conditions de vie restent matériellement très difficiles et c’est dans le dénuement que la plupart des tibétains vivent aujourd’hui.

La seconde mission de l’APACT, toute aussi importante, consiste en une aide matérielle ciblée aux camps de réfugiés tibétains. « Nous pensions tout naturellement diriger notre aide vers les camps de Laddakh, mais après plusieurs rencontres, dont l’une avec SE Beru Khyentse Rinpoche, un grand moine tibétain, c’est finalement vers la région de Mainpat dans l’état du Madhya Pradesh que nous avons reporté cette action. Une autre association parisienne aidait déjà les camps du Laddakh, à l’inverse des tibétains réfugiés au Mainpat qui ne bénéficiaient d’aucun secours. Mainpat est une zone tribale coupée du monde, protégée par les montagnes, en marge du monde occidental. Le camp regroupe 7 villages tibétains et compte quelques 2000 réfugiés. Très peu connu du reste du monde notamment en raison de sa position géographique, loin de tout axe touristique, ce camp était dans un grand état de pauvreté. Il faisait largement sens d’y établir notre action.

Une aide réfléchie

L’aide matérielle apportée par l’association suit une logique cohérente, née d’une analyse méticuleuse de la situation et des enjeux politiques, économiques, géographiques et environnementaux des camps de Mainpat. « Au-delà de l’aide d’urgence, l’idée est de permettre aux réfugiés tibétains d’atteindre une forme d’indépendance et d’auto-suffisance pour, à terme, subvenir eux-mêmes à leurs besoins et défendre leur culture. Les premiers travaux menés permirent d’assainir une source et de construire une pompe à eau, pour donner accès à cette ressource vitale à l’un des camps et lui permettre de développer son agriculture, ce qui fut renforcé par l’achat d’un tracteur et avec lui une première avancée vers l’autarcie alimentaire. Parallèlement à cette action, la construction d’infrastructures scolaires et notre système de parrainage permit d’offrir aux Tibétains de Mainpat des moyens de subsister et d’étudier, la plus efficace des « armes » pour défendre sa culture et forger son devenir.

Le système de parrainage n’est pas de l’assistanat, mais une opportunité offerte aux tibétains de s’épanouir, d’accéder aux études et de défendre leur culture. Il concerne exclusivement les non actifs, étudiants et retraités c’est-à-dire les plus démunis. Ceux qui ne sont plus en âge de travailler représentent la mémoire du peuple et il est essentiel de la protéger, ce à quoi la construction d’hospices et maisons de retraite a en partie répondu. Les jeunes étudiants représentent l’avenir et leur offrir l’accès aux études et à l’épanouissement personnel reste le moyen le plus efficace de répondre à l’ensemble de nos objectifs »

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats de ce programme de parrainage sont porteurs d’espoirs et forcent l’admiration. « Au début de notre intervention, les élèves les plus diplômés ne dépassaient pas le niveau de 4ème ; aujourd’hui c’est plus d’une centaine d’étudiants qui évoluent en licence, master et même doctorat. La fête du Tibet comportera un diaporama montrant le voyage que nous avons organisé à Mainpat avec 23 de nos parrains afin qu’ils rencontrent les Tibétains qu’ils ont aidés et constatent par eux-mêmes les résultats de leur intervention.

Autre cheval de bataille de l’APACT, qui fera d’ailleurs l’objet d’une attention particulière lors de la fête du Tibet cette année : le développement d’une agriculture responsable et organique.

L’agriculture constitue aujourd’hui un enjeu tout à fait crucial au Mainpat et en Inde en général et ce d’un double point de vue, environnemental et économique. Le Tibet regorge de mines de lithium (utilisé dans les composants électroniques des ordinateurs ou des téléphones par exemple) dont l’exploitation est extrêmement polluante et dommageable à court et long terme sur l’écologie locale. Les cultures à proximité sont tout simplement détruites ce qui est une véritable catastrophe écologique et économique pour les populations avoisinantes… C’est pourquoi nous formons les habitants de Mainpat à une agriculture biologique, organique et saine ».

Au-delà des considérations écologiques, c’est aussi une façon pour l’association de s’assurer de la pérennité de l’agriculture mise en place. La permaculture respecte la terre et entretient ses ressources durablement, à l’inverse de ce qui peut se faire ailleurs en Inde, où l’on ne compte plus les cas de suicide d’agriculteurs dont les cultures sont détruites par l’usage intensif de pesticides ou qui, avec la politique de Monsanto (c’est un exemple), ne peuvent même plus utiliser les graines de leurs récoltes, rendues stériles par l’entreprise afin de pourvoir les revendre d’une année sur l’autre.

« Là où c’est une grande victoire, c’est que ce modèle d’agriculture mis en place à Mainpat rayonne largement au-delà de ses frontières. Beaucoup de paysans Indiens, notamment ceux des régions plus au sud s’intéressent de près à la permaculture et à ses nombreux avantages. Avec une action, nous répondons ainsi à de multiples objectifs : une indépendance économique et alimentaire, une pérennité écologique mais aussi un « rayonnement » culturel des tibétains de Mainpat dont le savoir-faire agricole se diffuse et avec lui une partie de leur culture. »

La fête du Tibet, une histoire de rencontres

La fête du Tibet est ouverte à tout le monde. Elle a pour objet de rassembler les gens autour de la culture du Tibet qu’elle donne à voir dans toutes ses composantes, culturelle, spirituelle, artistique et politique. Elle permet en outre de rendre compte, via des témoignages, des diaporamas et des rencontres, des fruits de l’action de l’APACT dans la région de Mainpat.

Plusieurs temps forts sont ainsi proposés. L’ouverture de l’évènement reprend une tradition tibétaine. Après un discours inaugural, on jette en l’air une poignée de farine en accompagnant ce geste d’une prière en tibétain : « les démons sont vaincus, les dieux sont vainqueurs », une façon très immersive d’impliquer le public présent mais aussi de rassembler. « Je pense que c’est ce lien social qui fait parfois cruellement défaut en France alors qu’il est pourtant essentiel au bien être de chacun. C’est aussi le sens de cette fête du Tibet que de réunir les gens, de créer des ponts entre les cultures mais aussi entre les personnes tout simplement. Je me souviens d’une année où cinq Syriennes de passage s’étaient arrêtées, curieuses de ce qui leur était montré. Elles posaient beaucoup de questions et étaient reparties enrichies de la culture qu’elles avaient en grande partie découverte mais aussi des rencontres qu’elles avaient faites. C’est pour cela que ça fait particulièrement sens de voir cet évènement se dérouler au Laü, une maison qui se fonde sur ce principe aussi banal qu’essentiel à tous : le faire ensemble. »

Plusieurs temps seront proposés lors de ce week-end tibétain au Laü, avec notamment en ouverture la diffusion de films suivie d’une conférence animée par Marie Holzman, une sinologue parlant le mandarin. « Une façon de sortir du manichéisme stérile – le gentil Tibet contre la méchante Chine- qui ne mène à rien en terme de perspectives à construire » s’amuse Denise. Le samedi soir fera honneur à l’Inde, pays d’accueil des réfugiés, avec un spectacle de danse indienne et un repas reprenant la gastronomie du pays.

Tout au long du Week-end, le public pourra aussi assister à l’élaboration d’un « Mandala », réalisé par un moine tibétain. Il s’agit d’un dessin réalisé avec du sable et dont l’élaboration demande beaucoup de patiente et de minutie. La tradition veut qu’on le détruise une fois fini, ce qui marque aussi la fin de la fête du Tibet. « C’est un métaphore de l’aspect éphémère de toute chose et du cycle de la vie, constitué d’une alternance de vie et de mort » explique Denise.

 

La fête du Tibet : quand l’autre nous relie
 

« Le bout du chemin ne se voit qu’à la fin » écrit le célèbre voyageur et écrivain Hérodote à qui l’on attribue la paternité de l’Histoire. Dans son Enquête, œuvre de toute une vie, il parcourt et arpente l’ensemble de l’Oikoumène, le monde connu à la recherche du sens de l’Histoire et de ce qui mérite d’être retenu. A l’inverse d’Homère et des mentalités grecques qui font de la guerre le seul sujet digne d’être narré et retenu par l’Histoire, Hérodote propose à ses lecteurs de quitter leurs représentations communes pour s’ouvrir aux autres, c’est-à-dire de découvrir et s’émerveiller des « trésors de l’altérité » que sont les cultures, coutumes, arts de vivre, histoires, religions, philosophies autres que la sienne… Là résident les trésors du monde, les « toisons d’or » qu’il offre à son lecteur, pour peu qu’il accepte d’être curieux et de s’en émerveiller…

C’est précisément l’un de ces trésors que vous offre la Fête du Tibet. Toujours dans l’Enquête d’Hérodote, les peuples résistent à des conquérants qui veulent les assimiler dans leurs empires en niant leur culture et leur Histoire. Diffuser la culture du Tibet, rencontrer les tibétains, célébrer le plaisir de la rencontre et du partage, c’est encore la meilleure façon de résister au regard conquérant nous disent Hérodote et l’APACT mais aussi de profiter des « trésors de l’altérité » qu’offre le monde à qui sait cueillir ses fruits.

Tous les bénéfices engendrés par l’APACT lors de l’évènement sont bien sûr entièrement réinvestis dans leurs projets, parfaitement fléchés et transparents. Plus de 500 membres contribuent aujourd’hui à la pérennité de leur action à Mainpat. Que vous soyez simplement curieux de la culture tibétaine ancestrale ou que vous ayez envie de vivre des rencontres qui vous marqueront à n’en pas douter, le Laü vous invite chaleureusement à venir enrichir ce moment de votre présence.

 

A bientôt au Laü… et au Tibet 😉

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