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Quels cadeaux offrirons-nous à Noël ?

Bien que réappropriée par l’Eglise dans l’idée de christianiser les fêtes païennes, la nuit de Noël trouve ses racines bien plus en amont dans l’histoire. Déjà dans la Rome antique on célébrait le passage d’une année à l’autre, et l’éternel cycle des saisons à travers la figure du soleil renaissant « Sol invictus », lors des « Saturnales », des festivités s’étalant sur douze jours (du 25 décembre au 6 janvier). Durant cette période, les barrières sociales disparaissaient ou du moins étaient renversées (selon un principe carnavalesque). Les maisonnées se voyaient ornées de houx, gui et lierre et résonnaient des copieux banquets nocturnes qui y étaient dressés. On s’échangeait alors des cadeaux et offraient des figurines aux enfants. Loin d’être exclusives à la culture romaine ces festivités trouvaient leur équivalent dans les cultures « barbares » de toute l’Europe : chez les Celtes, Germains, Slaves… C’est par souci de christianiser ces célébrations « hérétiques » que l’Eglise a fait du 25 Décembre le jour de célébration de la nativité, déjà présente dans l’héritage païen. Une date qui s’étendra progressivement à tout l’Occident latin et jusqu’au monde entier aujourd’hui, en mélangeant tradition universelle et locale, selon les endroits et cultures.

Aujourd’hui Noël s’est fortement sécularisé et n’est plus forcément perçue ni célébrée comme une fête religieuse. Elle ne réunit pas exclusivement la communauté chrétienne mais un grand nombre de familles d’origines diverses autour d’un repas chaleureux imprégné du bonheur de partager avec ceux qui nous sont proches. Si Noël a progressivement délaissé son manteau religieux pour revêtir celui, plus laïque, de l’universalité, les valeurs qu’on honore et célèbre lors de ce jour d’expression collective intense ont quant à elles perduré. C’est d’abord la nativité et à travers elle la famille- cristallisée autour de la figure de l’enfant, autour de laquelle on se réunit et s’échange des cadeaux, symboles des liens affectifs avec les proches. Charles Dickens dans sa nouvelle « Christmas Carol » publiée en 1843 dépeint ainsi la famille Cratchit, dont les membres «sont pauvres, n’ont rien de remarquable, mais sont heureux d’être ensemble ».

Au-delà des valeurs liées à la famille, Noël véhicule aussi ces principes par lesquels l’Homme se rapproche de son humanité en s’éloignant de son animalité: la solidarité, la fraternité, la sincère empathie éprouvée envers ces « autres moi » que sont tout simplement les autres…Nombreuses sont les occurrences historiques où se donna à voir l’expression de ces hautes valeurs humaines, mais certaines ont particulièrement marqué les mémoires de leur force d’évocation.  A l’image de ces soldats Britanniques, Français, Belges et Allemands qui en 1914, en pleine bataille de Verdun, au milieu des tranchées jonchées des corps de leurs frères d’armes, au cœur de la bataille la plus sanglante de l’Histoire, décidèrent de se réunir un soir de Noël pour et retrouver le temps de cette trêve impromptue, une humanité dont la plupart avait oublié le visage, mutilé par l’absurde horreur de ce conflit. Une fraternisation spontanée qui se donna à voir en de multiples endroits du front, telles des fulgurances d’humanité perçant ce voile de mort et de barbarie.

Mais Noël c’est aussi cette grande messe du consumérisme, où les valeurs héritées de la tradition deviennent des slogans publicitaires, où l’on se « goinfre » en gaspillant énormément de denrées et en polluant allégrement, quasiment sommé, sous peine d’ostracisme social, d’acheter en masse en prévision de cette journée qui souvent concentre les plus gros bénéfices des commerces sur l’année entière. Une instrumentalisation des traditions et des valeurs humanistes pourtant aux antipodes de l’individualisme prôné par les sociétés modernes, qui frise clairement l’indécence en de cette période où l’injustice sociale se donne particulièrement à voir. C’est un fait à la fois connu et parlant : les couleurs rouge et blanche de la robe du Père Noël sont directement héritées d’une campagne de pub lancée par la plus célèbre marque de Soda afin précisément de récupérer à son compte l’engouement consommateur de la période.

Alors offrir des cadeaux à Noël, est-ce une contribution au consumérisme ambiant ou une célébration des valeurs humanistes millénaires transportée par la Tradition ?

 « La plus grande joie, c’est encore celle de donner et ceux qui l’ignorent ont tout à apprendre de la vie » confiait l’écrivain Georges Duhamel. Un message qu’on pourrait qualifier d’angélique ou de naïf s’il ne recelait pas l’une des vérités les plus universelles, de celles qui confèrent à l’Homme son Humanité. Car c’est bien par l’autre que l’homme fit société et parvint à élaborer tous ces principes de justice, d’égalité, de fraternité qui témoignent que c’est bien la relation à l’autre qui reste notre ressources la plus précieuse. Bonne nouvelle, non seulement cette ressource est inépuisable, mais plus on y puise, plus elle s’étend, gagne en consistance, en intensité. Et c’est bien de cela qu’émane la fameuse « magie » de Noël, de cette propension et ce désir de célébrer avec l’autre le bonheur d’être en relation. Les cadeaux n’en sont qu’une expression, une matérialisation voire un hommage, mais le réel présent réside fondamentalement dans la relation à l’autre.

En somme la fête de Noël ressemble d’abord à ce que l’on en fait. On peut y célébrer le plaisir d’être avec l’autre, d’offrir, de fraterniser, comme le donne à voir les milliers d’initiatives citoyennes et solidaires construites à l’occasion, ou sur un temps plus continu, l’esprit associatif sur lequel les individus construisent les actions du faire et vivre ensemble. Alors le 25 Décembre, offrez vous d’abord le plus précieux des cadeaux : celui de donner.

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