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Formations du Laü sur la « sensibilisation aux processus de radicalisation djihadiste »

un travail collégial, inventif et adapté à ses différents publics pour appréhender aux mieux les ressorts d’un phénomène complexe. »

 

 

C’est en 2016, à la suite de différentes conférences sur les thèmes de l’islam et de la Laïcité (livrées dans le cadre des Rencontres du Laü) qu’est née l’idée d’une formation sur la prévention au processus de radicalisation djihadiste, à partir d’un double constat : d’une part le fort intérêt pour le sujet exprimé par les publics présents lors de ces évènements, de l’autre les réponses de l’Etat par rapport à cette demande, alors peu nombreuses et encore expérimentales, notamment en raison de la « nouveauté » des évènements funestes illustrant, sur le territoire français tout du moins, la montée en puissance des phénomènes djihadistes.

 « L’une des intentions premières des « Rencontres du Laü »[1] était de planter des « graines de réflexions » au sein des publics mobilisés, notamment en les intégrant comme acteurs dans le déroulé de ces évènements, explique Miguel Manjon, chargé du développement de la structure et initiateur des « Rencontres du Laü ». Cela pouvait prendre la forme de tables rondes ou de débats entre le public et les intervenants ou encore d’ateliers faisant suite aux conférences afin d’inscrire durablement les réflexions suscitée dans une continuité de sens. Une intention qui nous a semblé essentielle de suivre pour traiter du phénomène des radicalisations, afin d’offrir une approche et un cadre de compréhension du problème qui soient à la hauteur de sa complexité, c’est-à-dire aussi complets qu’accessibles. »

Pour atteindre cet objectif, le Laü a fait appel à une association partenaire, « Citoyens(s) », spécialiste des mécanismes de radicalisation islamique et djihadiste. Composée d’une équipe pluridisciplinaire de chercheurs et d’acteur de terrain, l’association étudie en profondeur, pour mieux les prévenir, les différents types de radicalités et ruptures du lien familial ou social dans lesquelles sont susceptibles de tomber les personnes exposées. Le noyau dur des intervenants spécialistes se compose d’Amélie Boukhobza, psycho-clinicienne et docteur d’Etat sur la question djihadiste[2], Karim Ifrak, chercheur au CNRS en islamologie et codicologie islamique[3], et David Vallat, un ex-djihadiste ayant combattu en Bosnie, au Pakistan et en Afghanistan[4] et connaissant, de l’intérieur, les procédés d’enrôlement et d’embrigadement. De fait, l’expertise acquise par l’équipe de l’association repose autant sur des savoirs et études universitaires que sur leur expérience de terrain, ce qui lui permet d’appréhender le thème des radicalisations djihadistes selon des perspectives croisées (historiques, théologiques, sociologiques, psychologiques, ou issues d’observations et d’entretiens). Une approche de sens que l’on retrouve dans les interventions de l’association qui s’appuie sur des outils de compréhension à la fois pertinents et accessibles permettant aux publics de nourrir une réflexion qui ne soit pas tronquée ou unilatérale mais qui englobe au contraire les tenants et les ressorts d’un phénomène complexe et protéiforme. Elle propose notamment d’établir des distinctions entre les différents types de profils et processus de radicalisation ou rupture sociale et/ou familiale, selon une typologie reprenant des statistiques et connaissances issues des différentes interventions de l’association.

Les formations et sensibilisations aux principes de la radicalisation proposées par le Laü en partenariat avec l’association Citoyen(s) s’adressent à différents publics : professionnels de l’animation, bénévoles associatifs, agents de collectivités territoriales (formation dispensée au sein du Laü) mais aussi publics scolaires (4ème 3ème 2nde) via des interventions au sein de leurs établissements ou encore des familles (via le Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement- REAAP- et dans le cadres de « café-débat »).

« La grande force de ces formations repose sur trois aspects, explique Miguel Manjon (lui-même intervenants au sein des équipes du dispositif : la collégialité ou pluridisciplinarité des intervenants, l’adaptation des rubans pédagogiques à chaque public concerné et la mise à jour continue des contenus proposés, en s’appuyant notamment sur les retours directs des participants, que ce soit pendant les interventions ou lors des bilans qualitatifs qui les clôturent.

Les formations adressées aux professionnels et bénévoles (secteur associatif) se déroulent sur deux jours. A l’image des études menées par l’association Citoyen(s), plusieurs angles et perspectives sont proposés (historique, sociologique, psychologique etc) pour appréhender la question avec un regard « panoramique » global. La formation commence par remonter aux origines historiques et théologiques de l’islam via des dates fondamentales, tout en livrant des explications claires de notions clefs (comme par exemple un « hadith » ou l’origine du petit et du grand « djihad »), indispensables pour appréhender et comprendre par la suite les différents mécanismes de radicalisation. L’idée générale est de prendre le temps nécessaire à la compréhension afin d’éviter des amalgames ou raccourcis qui biaiseraient toute réflexion. Nous limitons les groupes à une quinzaine de personnes, de façon à rester qualitatif et permettre aux participants de poser leurs questions. Les retours que nous avons de cette formation sont objectivement extrêmement positifs. 

Les interventions au milieu scolaire sont menées quant à elles en partenariat avec l’Education Nationale et se déroulent sur 2 heures. Pour chacune d’entre elles nous proposons à un agent du collège ou du lycée (C.P.E., professeurs…) de participer à l’une de nos formations afin d’assurer dans le temps une continuité de sens au sein de l’établissement. Les échanges sont très constructifs et font sens dans la prises de conscience des élèves sur le danger de ces phénomènes de rupture ou de radicalisation, qui peuvent concerner tout un chacun. Ces temps permettent également de revenir sur les peurs diffuses qu’ont engendré les attentats, de libérer la parole et ainsi atténuer l’aspect anxiogène du sujet. Enfin, un travail d’éveil est proposé aux élèves sur la différence entre croyances et connaissances, lois divines et lois républicaines, ce qui permet de poser un cadre de réflexion sur les principes de laïcité et le mieux vivre ensemble. A l’heure où le gouvernement entame une réforme de la loi de 1905 en lien avec la réforme de l’islam de/en France, il nous semble en effet important d’évoquer ouvertement ces sujets par le biais d’outils pédagogiques permettant une co-construction de réflexion avec les élèves. »

Rencontrant un fort succès et répondant à une demande proportionnelle à l’intérêt qu’elles suscitent, les formations aux processus de radicalisations se poursuivront dans le futur et élargiront leurs horizons avec par exemple en 2019 la mise en route d’interventions au sein des Accueils Collectifs de Mineurs. Toujours animées des mêmes intentions, ces formations continueront d’affiner leurs contenus et rubans pédagogiques en fonction des retours de participations, observations des intervenants mais aussi contexte national, afin de rester les plus qualitatives possible.»

Pour tout renseignement au sujet de ce dispositif, contactez notre accueil du Laü au 05 59 14 15 00                      

[1] Initiées en 2010 par notre M.J.C., « Les rencontres du Laü » amènent nos différents publics à se retrouver, riches de leur diversité d’âges, de provenances ou d’opinions, autour d’une réflexion partagée, avec pour sujet une question sociétale de fond ou en lien avec l’actualité. Véritable mise en exercice de l’esprit d’éducation populaire qui anime le Laü, ces rencontres, misent leur succès sur leurs formes originales, adaptées au thème abordé, avec pour visée de toucher autant les habitués des colloques universitaires que les personnes d’ordinaire en marge des évènements culturels proposés par les institutions. 

[2] Amélie Boukhobza a assuré de nombreux suivis préfectoraux d’individus radicalisés et de leurs familles et a dirigé des équipes de contre-discours ( visant les propagandes islamistes) sur internet.

[3] Auteur de « Faut-il réformer l’islam ? Quelques clés de lecture », Paris, éd. Bouraq, 2017

[4] Auteur de « Terreur de jeunesse. Le témoignage d’un ex-jihadiste », Calmann Levy

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