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LES MJC FACE AUX DÉFIS DE DEMAIN

Jusque-là représentées au sein de 2 institutions distinctes, la Confédération des MJC de France (fédérations régionales) et la Fédération Française des MJC (une institution d’échelle nationale), les Maisons des Jeunes et de la Culture vont cette année œuvrer à l’unification de leurs représentants au sein d’une restructuration nationale. Loin d’être une formalité administrative, ce projet de convergence illustre la volonté aussi forte que partagée de la part de ses acteurs de renouer un dialogue trop longtemps interrompu entre ces différentes têtes de réseaux, mais aussi et surtout de réaffirmer collectivement les valeurs transversales qui animent leurs projets respectifs.

 

Récemment nommée directrice régionale la Nouvelle Aquitaine pour la CMJCF, Anita MADAVANE revient avec nous sur les enjeux d’avenir et de société auxquels les MJC et plus largement l’éducation populaire doivent répondre demain : jeunesse et engagement, numérique, nouvelles mobilités…

« En tant que directrice de la région Nouvelle Aquitaine, il m’apparaît que deux niveaux d’action doivent être investis en priorité : il nous faut tout d’abord « faire fédération » sur un territoire dont la carte a récemment été redessinée et qui englobe aujourd’hui une surface grande comme l’Autriche ! Cela implique de traduire cette fusion administrative pour la faire correspondre à une réalité de sens. En effet, chaque MJC est forte d’une histoire, de projets, d’une identité qui lui sont propre. L’enjeu est ici de parvenir à tirer la richesse de cette diversité du collectif, tout en comprenant et tenant compte des situations individuelles de chaque MJC.

Le second niveau réside selon moi dans les références et représentations partagées auxquelles se réfèrent les MJC du territoire. Bien qu’ils soient très riches de sens et reposent sur des principes intemporels, les textes auxquels se réfèrent les MJC pour définir le sens de leur action et de l’éducation populaire commencent à dater. Ce n’est pas qu’ils ne sont plus pertinents mais plutôt qu’ils peuvent apparaître décalés avec le contexte du monde actuel et les profonds bouleversements qui ne cessent de le traverser.

Il nous faut donc écrire ou fonder de nouveaux textes de référence, sans pour autant faire table rase du passé, bien au contraire. Tout l’enjeu de ce renouvellement repose sur notre capacité à établir des liens solides, à travers des perspectives pertinentes, entre ces références passées et ces nouveaux défis émergents. Il faut que les MJC se disent ce qu’elles sont, plus qu’elles ne s’en rappellent, comme nous ferions référence à un âge d’or passé. Mon rôle consiste à faciliter ce dialogue, aider à en faire émerger le sens, animer ce renouveau de façon à le construire collectivement, ce qui est loin d’être facile. Chacune des MJC est en effet prise dans des difficultés qui lui sont propres (financières ou autres) et n’est pas forcément disponible. A nous de trouver d’autres moyens, d’autres dynamiques pour les intégrer à ce processus de fond. »

 

L’éducation populaire aujourd’hui et demain : quels défis à relever ?

« C’est bien sûr un avis personnel et je parle ici à titre individuel, mais je pense que le principal défi que nous, MJC, devons relever collectivement repose sur l’engagement des jeunes. Ce qu’il est d’emblée important de comprendre lorsqu’on réfléchit à cette question, c’est que ce que nous appelons la jeunesse n’est pas un bloc monolithique et homogène, elle est protéiforme et plurielle : il n’y a pas une mais des jeunesses.

Il est courant d’entendre que la jeunesse se désintéresse de tout ce qui touche au politique ou au bénévolat ce qui n’est tout simplement pas vrai. C’est une erreur de la considérer comme apolitique ou tout du moins désintéressée de ces considérations. Politiquement parlant la jeunesse est plus que jamais investie, c’est notre regard qui est en porte à faux avec ses modalités d’engagement, qui diffèrent sensiblement des nôtres.

Ce que cela montre c’est que nous avons du mal en tant qu’adultes à sortir de nos représentations ; les formes et modalités d’engagement que nous avons connu lorsque nous étions jeunes ont aujourd’hui muté. Ce que nous appelons l’âge d’or des MJC où les jeunes investissaient les lieux de gouvernance ou de bénévolat dans les associations correspond à une époque de plein emploi où les jeunes n’appréhendaient pas l’avenir sous le prisme de l’inquiétude, ce qui est très différent du contexte actuel, bien plus anxiogène : on n’a plus le temps ou la sérénité d’esprit pour s’engager associativement comme nous le faisions auparavant. Si l’on se penche un peu sur la question on s’aperçoit que le temps d’engagement des jeunes n’a pas disparu, mais il se fait sur des créneaux beaucoup plus courts et de façon parfois immatérielle, notamment via le numérique.

Evoluer avec son temps

Ce sont de nouvelles réalités que les structures d’éducation populaire doivent absolument prendre en compte. On a parfois l’impression que nous attendons des jeunes qu’ils rentrent de force dans le schéma de l’engagement qui étaient les nôtres, c’est peine perdue. C’est à nous, structures d’éducation populaire, de nous remettre profondément en question et d’adapter nos fonctionnements à ces nouvelles modalités, de façon à remplir notre mission première : permettre aux individus et aux jeunes en particulier de s’épanouir et développer leur pouvoir d’agir. Il nous faut accompagner, aider ces jeunes à tracer leur chemin, leur donner des clefs de lecture pour comprendre un mode complexe en perpétuelle mutation, dont il peut être ardu de comprendre les codes, les rapports de pouvoir ou dynamiques sociales.

Il serait illusoire et stérile d’avoir la prétention de les « guider » mais nous pouvons et devons apprendre aux jeunes à se repérer par eux-mêmes dans une société codifiée, à développer leurs potentiels, pour les accompagner dans l’appréhension de leurs possibles et l’élargissement de leurs horizons et perspective d’avenir. Cet accompagnement propre à l’éducation populaire passe aussi par la transmission de valeurs fortes, comme par exemple la sensibilité à l’autre, à l’altérité et ses richesses, fondamentale à expérimenter et adopter pour assoir un vivre-ensemble et une citoyenneté solides et partagés.

Autant d’axes à travers lesquels se travaille l’émancipation de la jeunesse, ou « empowerment » pour reprendre un concept des sciences sociales, une finalité majeure de l’éducation populaire avec celles touchant au vivre ensemble. C’est par ces approches que l’on peut véritablement aider le jeune à tracer son propre chemin, libre.

Décrypter le monde pour y tracer son chemin

Mettre en œuvre ces initiatives et cette approche pédagogique implique de comprendre nous-mêmes les nouvelles dynamiques qui traversent nos sociétés modernes et sur lesquelles les jeunes construisent leurs parcours. Par exemple, l’échelle de la citoyenneté n’est plus seulement locale aujourd’hui, elle est internationale, mondiale. L’identité n’est plus quelque chose d’appréhendé comme inné, immuable mais plus un processus à travers lequel le jeune se construit. Ce sont là quelques exemples de ces nouveaux concepts familiers pour les jeunes mais qu’il nous reste à intégrer dans nos modalités d’action vers ce public.

La place qu’occupe aujourd’hui le numérique dans nos vies est prépondérante. Les jeunes grandissent désormais dans un monde hyper-connecté. Il apparaît donc impératif de s’emparer de ces nouvelles problématiques, d’en comprendre les enjeux profonds pour aider les jeunes à en décrypter la partie émergée, leur en donner des clefs de lecture encore une fois. En tant que structure d’éducation populaire, le rôle des MJC n’a pas changé, ce sont les moyens d’assurer cette mission qu’il nous faut aujourd’hui interroger ».

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