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Antonio mi padre, sur les traces d’un exil

C’est un saut dans le temps, un plongeon dans la grande Histoire balisé par le parcours exilé d’un homme de courage auquel vous convie l’association Mer 64 (Mémoire de L’Espagne Républicaine) « Barcelone 1936, Bordeaux 1960. L’Espagne, la guerre civile, la prison, l’exil… Antonio, un homme parmi des milliers. Sa fille retrouve dans sa mémoire des éclats de voix, d’images, des histoires où se mêlent le drame, la fantaisie, l’émotion. Le geste théâtral devient alors acte de résilience… » C’est l’histoire d’un exil, d’un courage, d’un combat… Intitulée « Antonio mi padre » cette pièce de théâtre créée par la Compagnie les Chantiers met en scène une femme exhumant du passé les souvenirs et traces laissés par l’histoire de son père dont elle ravive la mémoire pour mieux la donner en partage.

« 1936 : Coup d’état du Général Franco. La jeune république Espagnole entre en guerre… Une guerre civile. C’est l’histoire d’Antonio Soler, mi padre, que je vais vous raconter. Un républicain Espagnol Catalan. Il s’était échappé des prisons de Franco, il avait traversé les Pyrénées dans la neige. Longtemps il a été mon héros. Ce n’est que peu à peu que j’ai découvert le drame explosif qui le hantait. C’est une histoire réelle où tout n’est pas vrai. C’est le regard tendre et lucide d’une enfant sur son père. Un homme arraché à sa terre »

Organisé par Mémoire de l’Espagne Républicaine 64, en partenariat avec la M.J.C. du Laü et la ville de Pau, cet évènement donne un aperçu du travail de cette association dont l’un des principaux objectifs consiste à : « Faire vivre la Mémoire des Républicains espagnols et des combattants de toutes nationalités qui luttèrent pour la liberté aux côtés des Républicains pendant la guerre d’Espagne de 1936-1939. ». Membre actif depuis de nombreuses années au sein de ce collectif, Jean Jacques Mauroy partage avec nous le rapport d’affect qu’il entretient avec cette mémoire de ces « héros ordinaires », ces hommes et femmes qui refusèrent l’inacceptable. Une histoire dont le Béarn en particulier, où se dressait le camp de Gurs, se doit d’entretenir et transmettre le souvenir.

 

Combattants de la liberté

 

« En bon soixante-huitard, je suis tombé dans la marmite lorsque j’étais étudiant !», s’amuse Jean Jacques, pour expliquer le rapport, fort en affect, qu’il entretient avec l’Histoire de l’Espagne républicaine. Un engagement au long cours, autour duquel ce passionné d’images et de cinéma a tissé son parcours associatif (il a mené de très nombreuses initiatives tant que coordinateur de la CUMA MOVIE ). Au sein de l’association MER 64 dont il est toujours le trésorier, le militant a mené à bien de multiples et ambitieux projets portant sur le recueil, la transmission et la mise en réflexion des éléments historiques liés à l’histoire du camp de Gurs et du mouvement républicain en Espagne. Expositions, films documentaires, recueil de témoignages des derniers guérilleros encore en vie, initiatives pédagogiques à destination des scolaires ou en association… Quelle que soit la forme d’intervention retenue, l’objectif reste le même : donner à voir, à comprendre et à partager l’histoire à travers les histoires, celles des combattants de toutes nationalités réunis sous la bannière antifasciste du « ¡No pasarán!». C’est aussi rappeler pour mieux en souligner l’importance, l’héritage des valeurs universelles et intemporelles qu’ont défendu ces héros envers et contre tout.

 

« J’ai connu l’association Mer 64 – créée par des républicains espagnols et leurs enfants- il y a quelques années, alors que je participais à l’exhumation en Aragon des charniers où avaient été jetés des opposants au fascisme de Franco. Il ne faut pas oublier que cette histoire n’est pas propre à l’Espagne, elle est intimement liée à celle de la France, notamment à travers la résistance au sein de laquelle se sont engagé de nombreux républicains (ils étaient près de 500 000 à avoir traversé la frontière des Pyrénées) pour poursuivre, de façon naturelle pour eux, leur combat contre l’oppression des régimes autoritaires, quels que soient l’uniforme qui l’incarnaient. Notre Béarn peut d’ailleurs se targuer de s’être libéré grâce à la seule action de ces résistants sans l’aide de l’armée ou des généraux, ce n’est quand même pas rien ! »

 

Un précieux héritage

 

L’histoire tragique du camp de Gurs où furent enfermées des milliers de personnes (près de 60 000) dont beaucoup furent déportées vers les camps de concentration, a connu plusieurs phases en fonction de l’évolution de la situation politique en France et du conflit en Europe. Durant la première phase, à partir de 1939, le camp était appréhendé comme transitoire, pensé pour contenir l’afflux massif dans la région des milliers de réfugiés qui fuyaient les milices de Franco, explique Jean-Jacques : « Une période où les conditions de vie n’étaient pas aussi déplorables que ce qu’elles seraient plus tard.

Venant des mouvements politiques social libertaires (communistes, socialistes, anarcho syndicalistes etc…), les internés espagnols présents ont calqué leur organisation sur celle de leurs villages d’origine, très fortement marqués par la volonté d’émanciper les individus. L’oisiveté forcée des internés s’est traduite par un incroyable foisonnement artistique et culturel, ainsi que par la mise en pratique des principes majeurs hérités de ces mouvements, tels que le partage des connaissances, l’auto-éducation du peuple par l’apprentissage partagé. On met en œuvre ces principes de l’anarcho syndicalisme pour combattre l’analphabétisme dont souffrent de nombreux réfugiés espagnols anciens ouvriers et paysans, avec des méthodes très proches de ce qui se donne à voir dans l’éducation populaire. Artistes, intellectuels, de grands noms présents dans ces camps participent la mise en place de cercle culturels, « Los Ateneos » ou sont données à étudier la littérature, la philosophie, l’histoire, les sciences : le peuple y éduque le peuple, l’individu s’émancipe par le groupe.

 

Dans une certaine mesure, cette vision de l’émancipation se retrouve en partie dans la volonté de développement du pouvoir d’agir des individus, mise en œuvre par les associations d’éducation populaire, à l’image de ces « Ateneos »dont l’organisation peut rappeler, par certains aspects tout du moins, celle des  M.J.C. . « A la fin du conflit mondial (le camp ferme en 1945), de nombreux résistants espagnols ont investi le monde associatif (comme ce fut le cas pour MER64), nous rappelle Jean Jacques. Ils étaient porteurs d’un héritage politique, culturel et idéologique intemporel qui encore aujourd’hui résonne avec les valeurs citoyennes sur lesquelles les associations et de l’éducation populaire fondent leurs projets. Un héritage dont il est essentiel de rappeler la teneur tout comme la valeur et dont nous nous devons d’assurer la transmission ».

 

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