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ACTIVITÉ RELIURE : Relier les pages et les gens

«La reliure (nom dérivé de relier, lui-même issu du latin religare) est l’opération de production du livre intervenant juste après le travail d’impression. Elle englobe toutes les étapes de l’assemblage des pages ou des cahiers du livre jusqu’à la pose du matériau de couvrure » nous explique l’ami Wikipedia. Un art dont les ficelles remontent très haut dans l’histoire, jusqu’au Moyen Âge et qui fut pratiqué par toutes les civilisations de l’écrit, chacune développant, jalousement, des techniques, esthétiques et codes différents, mises en forme de ses canons en la matière.

 

Au sein du Laü, l’activité figure parmi les pionnières de la structure et rassemble aujourd’hui 45 adhérents pour 8 responsables et animateurs, répartis sur les multiples créneaux horaires jalonnant la semaine. Curieux et passionnés d’histoire, littérature et/ou artisanat se retrouvent ainsi régulièrement dans la salle « Gutenberg » (autrefois dénommée sobrement « salle de reliure ») pour s’adonner à la restauration ou la création d’ouvrages anciens et nouveaux, et surtout partager ce plaisir avec d’autres. Équipé en machines diverses nécessaires à l’exercice (dont une presse) offerts par feu le maire André Labarrère,  le lieu invite à la rencontre avec ses chaises qui se font face autour des tables d’ouvrage. Une mise en place qui, loin d’être anodine, témoigne d’une volonté aussi forte que partagée : relier, des pages bien entendu mais aussi et surtout des personnes. « Les gens viennent pour de multiples raisons explique Michel Roussillon, l’amour des livres, l’aspect manuel de la réalisation, la satisfaction de parvenir au bout d’une réalisation, d’un travail personnel où l’on met un peu de soi, mais tous partagent le plaisir de se réunir et partager un vrai moment de convivialité ». « Même si les groupes diffèrent selon le créneau horaire choisi par chacun, on partage quand même des moments où l’ensemble des adhérents se retrouvent, comme à l’occasion de la la galette des rois ! » renchérit Lydie Saugeron, entre deux manipulation de son ouvrage.

Au-delà de l’aspect convivial, c’est aussi une manière de pratiquer et d’apprendre qui est ici mise en valeur, que l’on retrouve d’ailleurs dans la plupart des activités au Laü. « Nos ateliers sont des animations participatives » précise Gérard Ollier. Connaisseur et pratiquant rompu aux ficelles de la discipline, il anime depuis 2 ans un de ces ateliers. « Bien entendu nous sommes là pour dispenser des savoirs mais cela vaut pour tous les participants dès lors qu’ils partagent entre eux leurs connaissances et s’aident mutuellement. D’ailleurs la plupart des animateurs sont d’anciens adhérents qui ont acquis suffisamment d’expérience pour superviser cette animation. Cette pédagogie participative crée une atmosphère de complicité très agréable où chacun se sent à l’aise, même les nouveaux venus. »

Le sourire aux lèvres et le regard pétillant propre aux amateurs – au sens premier « ceux qui aiment » – les animateurs me montrent une vitrine où trônent quelques-unes des confections les plus remarquables produites au fil des ans par les « relieurs » : un livre d’estampes relié « à la japonaise », un ouvrage avec une couverture, « un plat » dans le jargon, fait de cuir ciselé, un autre avec une mosaïque sur cuir, des dorures, incrustations, travail sur un plat de bois et même avec du parchemin…

Dénotant un travail aussi minutieux que finement réalisé, ces ouvrages illustrent le large panel de techniques et la variété de matériaux qu’il est possible d’utiliser en reliure.  « On parle de restauration quand on essaie de reproduire un livre à l’identique de sa première édition, mais ce n’est pas obligatoire, précise Michel. La reliure permet aussi de donner libre cours à ses idées de création, et on peut s’essayer à bien des techniques, même si toutes ne sont pas aussi accessibles les unes que les autres, que ce soit en matière de difficulté ou de coût». « Même si ce n’est pas forcément plus ardu en soi, nous conseillons aux nouveaux venus d’éviter le cuir, une matière chère, pour leur premier ouvrage. Mieux vaut se tourner vers des matières moins onéreuses, telles que la toile ou le papier confie Gérard ». En effet, si les machines et certaines matières sont fournies par l’activité, chaque adhérent doit lui-même amener les matériaux sur lesquels il désire travailler.

Entre 34 et 36 opérations différentes et successives sont nécessaires pour faire une reliure dans les règles de l’art. « Avant de faire, il faut défaire » m’explique-t-on. En effet, pour une reliure réussie, on commence par démonter les différentes parties du livre, pour ensuite recomposer le tout en remplaçant les éléments abîmés que l’on désire changer. Contrairement aux idées reçues, la reliure n’est pas l’apanage des ouvrages anciens, elle peut tout à fait se pratiquer sur des livres récents. D’ailleurs le fait de relier un livre lui enlève toute valeur sur le marché des collectionneurs.

« Même si le travail suit le même fil ou presque quelle que soit l’opération envisagée, chacun relie pour des envies bien à lui. Certains veulent protéger ou restaurer un livre qui leur est cher, d’autres se lancent un défi technique, d’autres encore laissent parler leur créativité. On met un peu de soi dans ces réalisations et chaque résultat est unique, fruit d’un travail et d’une composition personnels. Il y a donc un rapport d’affect avec l’objet et on est fier de partager ce résultat avec les autres » s’enthousiasme Lydie. L’occasion de partager avec les autres en donnant à voir son travail et en s’intéressant à celui des voisins pour, pourquoi pas, le voir finalement trôner à côtés des autres trophées dans la fameuse vitrine. Que l’on se rassure, aucune compétition n’émane de l’atmosphère de l’activité, simplement le plaisir de relier, des pages entre elles, soi-même et les autres.

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