{"id":2017,"date":"2021-02-02T11:21:39","date_gmt":"2021-02-02T10:21:39","guid":{"rendered":"http:\/\/www.mjcdulau.fr\/?p=2017"},"modified":"2021-02-03T15:05:10","modified_gmt":"2021-02-03T14:05:10","slug":"internet-et-democratie","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/2021-02\/internet-et-democratie\/","title":{"rendered":"INTERNET ET DEMOCRATIE"},"content":{"rendered":"

D\u00e9sinformation et propagande, discours de haine et harc\u00e8lement, balkanisation et cristallisation de l\u2019opinion publique, l\u2019image du Web 2.0<\/strong> des ann\u00e9es 2000, per\u00e7u comme un formidable vecteur de d\u00e9mocratie et d\u2019\u00e9mancipation citoyennet\u00e9 a aujourd\u2019hui pris un s\u00e9rieux coup dans l\u2019aile ! A tel point qu\u2019on peut l\u00e9gitimement poser la question : internet et le d\u00e9bat en ligne repr\u00e9sentent-ils encore un outil vertueux pour la d\u00e9mocratie ou portent-ils au contraire en eux les germes de son enrayement ?<\/p>\n

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Un gigantesque forum, accessible dans le monde entier (d\u00e8s lors que l\u2019on dispose d\u2019un t\u00e9l\u00e9phone ou ordinateur), c\u2019est ainsi que l\u2019on pourrait d\u00e9finir internet en se pla\u00e7ant dans une perspective d\u00e9mocratique. Cependant, analyser la pertinence de cet outil en tant que vecteur favorisant le d\u00e9bat, implique de consid\u00e9rer \u00e9galement la forme que prennent ces \u00e9changes. Reconnaissons-le, si elles restent pr\u00e9sentes, les prises de paroles respectueuses des avis contraires, apais\u00e9es et argument\u00e9es se retrouvent noy\u00e9es dans l\u2019espace de d\u00e9bat au milieu des injures, fake news et autre discours haineux, allant jusqu’au harc\u00e8lement en ligne. Un ph\u00e9nom\u00e8ne qui, loin d\u2019\u00eatre marginal, tend \u00e0 devenir banal, \u00e0 tel point qu\u2019on en vient \u00e0 l\u00e9gif\u00e9rer sur la question et \u00e0 poser la question de l\u2019anonymat en ligne. C\u2019est l\u00e0 l\u2019un des aspects illustrant ce que les sociologues appellent le \u00ab\u00a0d\u00e9senchantement\u00a0\u00bb d\u2019internet, lorsqu\u2019on r\u00e9alise que la vision idyllique de cet outil, comme \u00ab\u00a0super vecteur d\u00e9mocratique\u00a0\u00bb, se heurte \u00e0 l\u2019usage que l\u2019on en fait. Cependant, si les \u00e9cueils qui frappent le web sont aussi marqu\u00e9s que nombreux, il nous faut aussi rappeler que ces m\u00eames points n\u00e9gatifs sont souvent le revers d’aspects plus vertueux d\u00e9mocratiquement parlant. Bien que critiquables sur leur forme, ces \u00e9changent t\u00e9moignent aussi d’une \u00ab\u00a0lib\u00e9ration de la parole\u00a0\u00bb, ou du moins de la venue sur l’espace m\u00e9diatique d’une parole qui en \u00e9tait autrefois exclue, les plateaux de t\u00e9l\u00e9vision ou les colonnes des journaux ne lui laissant pas droit de cit\u00e9. Aujourd’hui, en l’absence de mod\u00e9rateurs ces discours radicaux ou brutaux deviennent non seulement visibles mais l\u00e9gitimes \u00e0 \u00eatre exprim\u00e9s ainsi du fait de leur banalisation. Ainsi que le constate Romain BADOUARD<\/strong>, (ma\u00eetre de conf\u00e9rences \u00e0 l’universit\u00e9 de Cergy-Pontoise, chercheur au sein du laboratoire Agora et auteur de \u00ab Le D\u00e9senchantement de l\u2019Internet<\/strong><\/em> \u00bb) dont notre r\u00e9flexion est largement inspir\u00e9e : \u00ab Pour les plus jeunes, qui ont fait leurs premi\u00e8res armes de citoyen sur le web, cette id\u00e9e de pluralisme radical, dont je parle dans le livre, est tr\u00e8s importante. Cela ne veut pas dire que toutes les opinions se valent, mais plut\u00f4t que dans la culture de d\u00e9bat qui a \u00e9merg\u00e9 en ligne, toutes les opinions m\u00e9ritent d\u2019\u00eatre \u00e9cout\u00e9es.\u00a0\u00bb<\/p>\n

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En outre, cette \u00ab\u00a0brutalisation\u00a0\u00bb de l’espace de d\u00e9bat ne saurait \u00eatre imput\u00e9e \u00e0 internet seulement. S’il permet l’expression de toutes les paroles, y compris les extr\u00eames ou conspirationnistes, ce n’est pas le m\u00e9dia qui cr\u00e9e en soi la haine ou la cr\u00e9dulit\u00e9 des gens. Ces \u00e9volutions refl\u00e8tent avant tout les grands maux contemporains, stigmates d’une \u00e9poque et de ses fractures, comme la perte de commun ou la d\u00e9fiance de la population \u00e0 l\u2019\u00e9gard de ses institutions et des \u00e9lites. A cet \u00e9gard, internet repr\u00e9sente d’ailleurs un r\u00e9el vecteur d\u00e9mocratique lorsqu’il permet aux citoyens d’aborder des d\u00e9bats ignor\u00e9s par les autres m\u00e9dias ou donne la parole \u00e0 ceux qui ne partagent pas l’opinion majoritaire, consensuelle ou politiquement correcte, comme le rappelle le chercheur : les citoyens, de mani\u00e8re autonome et ind\u00e9pendante, vont pouvoir produire des informations, les mettre en d\u00e9bat, etc. Le site Arr\u00eat sur images avait compt\u00e9 le temps de parole \u00e0 la t\u00e9l\u00e9vision r\u00e9serv\u00e9 au \u00ab oui \u00bb et au \u00ab non \u00bb pendant le d\u00e9bat li\u00e9 \u00e0 la constitution europ\u00e9enne. Le chiffre qu\u2019il donnait \u00e9tait \u00e9loquent : 70 % du temps de parole \u00e9tait r\u00e9serv\u00e9 au \u00ab oui \u00bb, contre 30 % au \u00ab non \u00bb. Guilhem FOUETILLOU<\/strong>, qui a fond\u00e9 Linkfluence<\/strong> par la suite, avait fait une \u00e9tude sur le Web et comptabilis\u00e9 les sites internet qui abordaient le sujet du trait\u00e9 constitutionnel europ\u00e9en. On se rendait compte que sur le web, c’\u00e9tait l\u2019exact inverse, 70 % des sites \u00e9taient en faveur du \u00ab non \u00bb contre 30 % en faveur du \u00ab oui \u00bb. Donc, il existait un ph\u00e9nom\u00e8ne de vase communiquant o\u00f9 les personnes qui n\u2019avaient pas la parole dans les m\u00e9dias classiques se reportaient sur internet pour s\u2019informer et produire de l\u2019information. Cela est toujours vrai aujourd\u2019hui, ceux qui n\u2019ont pas acc\u00e8s \u00e0 la sc\u00e8ne m\u00e9diatique s\u2019expriment sur le Web. Un espace pour les \u00ab\u00a0sans voix\u00a0\u00bb du d\u00e9bat m\u00e9diatique traditionnel, pour le meilleur et pour le pire.<\/p>\n

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S’il n’est pas directement responsable des grands maux ou d\u00e9fis propres \u00e0 nos soci\u00e9t\u00e9s contemporaines, internet n’en demeure pas moins un vecteur qui, dans sa forme, a eu une incidence directe et cons\u00e9quente sur les formes d’expressions dans le d\u00e9bat public. A l’image de la lib\u00e9ration de la parole, ces incidences sont porteuses d’\u00e9l\u00e9ments \u00e0 la fois positifs et n\u00e9gatifs pour la d\u00e9mocratie et l’\u00e9mancipation citoyenne.<\/p>\n

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Parce qu’il permet un \u00e9gal acc\u00e8s aux plateformes de d\u00e9bats publics d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9es, quel que soit son outil d’acc\u00e8s (ordinateurs, t\u00e9l\u00e9phones, consoles de jeux etc…), internet place \u00e0 \u00e9galit\u00e9 tous les internautes pour ce qui est de l’\u00e9mission ou de la r\u00e9ception d’information. Un principe d’\u00e9galit\u00e9 de statut qui donne l\u00e9gitimit\u00e9 \u00e0 chaque voix, toutes m\u00e9ritant d’\u00eatre entendues ou exprim\u00e9es. Un citoyen lambda peut ainsi r\u00e9pondre directement au tweet d’un pr\u00e9sident de la r\u00e9publique, voire interpeler un politique sur un sujet particulier. En outre, l’anonymat, s’il \u00ab\u00a0facilite\u00a0\u00bb les discours haineux, garantit dans le m\u00eame temps l’\u00e9galit\u00e9 de statut, la situation professionnelle de celui qui s’exprime n’\u00e9tant pas visible, seule sont pris en compte les propos d\u2019une personne, sans tenir compte de son autorit\u00e9 ou situation sociale. Il faudrait cependant nuancer ce propos avec la popularit\u00e9 sur internet, mesurable en termes de \u00ab\u00a0followers\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0likes\u00a0\u00bb ou \u00ab\u00a0vues\u00a0\u00bb.<\/p>\n

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D’ailleurs cette possibilit\u00e9 de montrer son adh\u00e9sion \u00e0 un propos ou une id\u00e9e d’un simple clic, via le \u00ab\u00a0like\u00a0\u00bb, est aussi porteuse d’une dimension \u00e0 la fois positive et n\u00e9gative d\u00e9mocratiquement parlant : d’un c\u00f4t\u00e9 elle permet \u00e0 des personnes qui ont du mal \u00e0 s’exprimer ou qui n’osent le faire pour diff\u00e9rentes raisons de montrer leur soutien \u00e0 un propos ou une cause choisi. Ainsi le site \u00ab\u00a0change.org\u00a0\u00bb permet \u00e0 n’importe qui de cr\u00e9er sa p\u00e9tition en ligne et de la partager ou tout simplement de signer celles qui existent. Cela permet ainsi \u00e0 tout un chacun de s’engager pour une cause et renforce ainsi sa perception en tant que citoyen. D’un autre c\u00f4t\u00e9, la facilit\u00e9 de la d\u00e9marche peut facilement \u00eatre critiqu\u00e9e pr\u00e9cis\u00e9ment car l’engagement qu’elle repr\u00e9sente p\u00e2tit de cette faible contrainte.<\/p>\n

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L’un des probl\u00e8mes majeurs intrins\u00e8que \u00e0 internet aujourd’hui r\u00e9side dans ses m\u00e9canismes, notamment ceux dict\u00e9s par les int\u00e9r\u00eats marchands et le commerce de \u00ab\u00a0clic\u00a0\u00bb.<\/p>\n

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Autrefois d\u00e9peints par eux-m\u00eames comme les \u00ab\u00a0plombiers du web\u00a0\u00bb, garantissant le d\u00e9bit de contenus mais ne contr\u00f4lant pas les \u00e9l\u00e9ments de ce dernier, les g\u00e9ants du web se voient aujourd’hui somm\u00e9s par les pouvoirs publics d\u2019endosser la fonction de mod\u00e9rateurs. Un tournant initi\u00e9 en 2010 o\u00f9 des tribunaux fran\u00e7ais ont exig\u00e9 la suppression de propos antis\u00e9mites mais qui a r\u00e9ellement \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9 apr\u00e8s les attentats de 2015 : les \u00c9tats se sont rendu compte que les djihadistes utilisaient massivement les r\u00e9seaux sociaux et le Web pour recruter de nouveaux combattants. Les grandes firmes priv\u00e9es n\u2019ont pas attendu les injonctions des \u00c9tats et se sont mises d\u2019elles-m\u00eames \u00e0 supprimer des comptes, des contenus, des tweets, etc. Aujourd\u2019hui, tout le monde trouve l\u00e9gitime de combattre la propagande djihadiste et les discours de haine. Mais \u00e0 partir du moment o\u00f9 l\u2019on consid\u00e8re comme l\u00e9gitimes que les plateformes filtrent les contenus, on met le doigt dans un engrenage. D\u00e9l\u00e9guer aux GAFA<\/strong> le pouvoir de d\u00e9cider quels sites ont le droit de publier est une forme de privatisation de la r\u00e9gulation qui pose un grave probl\u00e8me de libert\u00e9.<\/p>\n

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Pour r\u00e9pondre \u00e0 cette injonction des pouvoirs publics, les grandes firmes du Web ont op\u00e9r\u00e9 un mouvement de recentralisation du web autour d\u2019un tout petit nombre de services et disposent d\u2019outils servant de points de contr\u00f4le \u00e0 partir desquels ils peuvent filtrer les contenus en circulation sur le web ce qui peut l\u00e9gitimement poser question d’un point de vue d\u00e9mocratique. Le dernier exemple en date concerne l\u2019\u00e9viction de Donald TRUMP<\/strong>, 46\u00e8me<\/sup> pr\u00e9sident des Etats-Unis de l\u2019ensemble des r\u00e9seaux sociaux \u00e0 travers lesquels il s\u2019exprimait quotidiennement. Que l\u2019on trouve ou non cette d\u00e9cision l\u00e9gitime, il faut se poser la question de qui la prend. De nombreuses voix se sont \u00e9lev\u00e9es chez les politiques (proches ou non des id\u00e9es de Trump) pour d\u00e9noncer une prise de position politique par un organisme priv\u00e9. Du c\u00f4t\u00e9 des r\u00e9seaux sociaux, on se reporte au r\u00e8glement ou charte de l\u2019utilisateur.<\/p>\n

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Un autre probl\u00e8me majeur, posant un enjeu pour nos d\u00e9mocraties aujourd\u2019hui, est aussi li\u00e9 aux r\u00e9seaux sociaux mais aussi aux moteurs de recherche\u00a0: le ph\u00e9nom\u00e8ne des buble-filters<\/em><\/strong> (filtre de bulles) ou m\u00e9canisme d\u2019auto conviction, rep\u00e9r\u00e9 et analys\u00e9 depuis les \u00e9lections am\u00e9ricaines de 2016. \u00ab Les algorithmes de classement des informations sur Google ou sur les r\u00e9seaux sociaux, sur Facebook notamment, vont g\u00e9n\u00e9rer des circuits qui vont porter \u00e0 notre connaissance des informations qui nous confortent dans nos opinions. Sur Google, \u00e7a passe notamment par une personnalisation des r\u00e9sultats du moteur de recherche : en fonction de nos recherches pr\u00e9c\u00e9dentes, on nous propose de nouveaux r\u00e9sultats, cens\u00e9s correspondre \u00e0 nos pr\u00e9f\u00e9rences, aller dans notre sens. Et sur Facebook, cela s\u2019exprime par l\u2019id\u00e9e qu\u2019on voit seulement les informations publi\u00e9es par 20 % de nos contacts, qui sont les contacts les plus proches de nous, ceux avec lesquels on a le plus d\u2019\u00e9changes et qui partagent le plus nos opinions. Alors que, pour que le d\u00e9bat public se passe correctement, on est cens\u00e9 \u00eatre confront\u00e9 \u00e0 des arguments contradictoires ! Un processus qui peut s’av\u00e9rer tr\u00e8s dangereux pour la d\u00e9mocratie !\u00a0\u00bb<\/p>\n

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Comme nous venons de l\u2019examiner, internet agit profond\u00e9ment sur la fa\u00e7on de communiquer de ses utilisateurs. Un impact sur la forme prises par les \u00e9changes entre individus qui se r\u00e9percute aussi sur le fond de leur discours. Au-del\u00e0 des langages d\u00e9velopp\u00e9s sur les forums, la temporalit\u00e9 propre \u00e0 ce m\u00e9dia, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019instantan\u00e9it\u00e9 de l\u2019information, incite tout un chacun \u00e0 r\u00e9agir dans l\u2019imm\u00e9diatet\u00e9, sans forc\u00e9ment mesurer le recul n\u00e9cessaire \u00e0 la \u00ab\u00a0digestion\u00a0\u00bb d\u2019une nouvelle. Aujourd\u2019hui le flot ou le d\u00e9bit informatif est \u00e0 la fois dense et continu. De fait, une m\u00eame information fait aujourd\u2019hui l\u2019objet d\u2019un relais \u00e0 la fois massif, mobilisant toutes les r\u00e9dactions, cha\u00eenes de t\u00e9l\u00e9vision, radio, sur l\u2019ensemble de leurs canaux (r\u00e9seaux sociaux, podcast etc\u2026) mais aussi tr\u00e8s \u00e9ph\u00e9m\u00e8re, dans le sens o\u00f9 elle fera tr\u00e8s vite place \u00e0 une autre information. Cela incite les citoyens \u00e0 r\u00e9agir dans l\u2019instantan\u00e9it\u00e9, sans forc\u00e9ment accompagner cette r\u00e9action du recul n\u00e9cessaire \u00e0 une analyse plus r\u00e9flexive. Ce ph\u00e9nom\u00e8ne se trouve renforc\u00e9 par l\u2019ouverture des canaux d\u2019expression \u00e0 l\u2019ensemble de la population, qui se traduit ici par des \u00ab\u00a0mouvements de foule\u00a0\u00bb et des \u00e9mois populaires partag\u00e9s. Des mouvements d\u2019indignation vont ainsi \u00eatre partag\u00e9s et relay\u00e9s par de nombreux internautes, suscitant des \u00e9motions collectives de masses. Le probl\u00e8me que cela pose r\u00e9side pr\u00e9cis\u00e9ment dans l\u2019\u00e9motion. L\u2019instantan\u00e9it\u00e9 de l\u2019information et son relais massif chez les internautes incitent \u00e0 la traiter de fa\u00e7on \u00e9motionnelle et non plus de fa\u00e7on rationnelle, car cela impliquerait une temporalit\u00e9 plus longue, propre \u00e0 l\u2019analyse et la r\u00e9flexion. En outre, bien qu\u2019il soit caract\u00e9ristique d\u2019internet, ce glissement de temporalit\u00e9 d\u00e9borde largement son cadre. Nous sommes aujourd\u2019hui incit\u00e9s \u00e0 r\u00e9agir \u00e0 toutes les informations qui nous parviennent et rapidement, avant de passer \u00e0 la prochaine. Dans ce contexte, difficile de prendre un quelconque recul et de r\u00e9agir avec l\u2019\u00e9motion du moment, surtout si elle fait l\u2019objet d\u2019un \u00e9cho collectif, plut\u00f4t qu\u2019en prenant le recul n\u00e9cessaire \u00e0 la prise de position individuelle et r\u00e9fl\u00e9chie.<\/p>\n

Il serait difficile aujourd\u2019hui de s\u00e9parer d\u2019un trait bien net les sph\u00e8res r\u00e9elles et immat\u00e9rielles de notre vie sociale tant ces derni\u00e8res se retrouvent imbriqu\u00e9es l\u2019une \u00e0 l\u2019autre dans le quotidien. Nous n\u2019avons pas une vie sociale \u00ab\u00a0en ligne\u00a0\u00bb et\u00a0 une autre \u00ab\u00a0hors ligne\u00a0\u00bb, mais une m\u00eame\u00a0 vie sociale qui se d\u00e9cline sur les deux facettes d\u2019une m\u00eame pi\u00e8ce. Deux pans d\u2019un m\u00eame ensemble qui s\u2019influencent l\u2019un l\u2019autre dans de nombreux aspects. Comment mesurer l\u2019impact de la sph\u00e8re d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9e sur notre fa\u00e7on de vivre le r\u00e9el\u00a0? Avec la crise sanitaire qui nous frappe, le t\u00e9l\u00e9travail et autres moyens de communications par \u00e9cran interpos\u00e9 est en passe de devenir une norme l\u00e0 o\u00f9 il demeurait \u00e0 la marge il n\u2019y a pas si longtemps. Il serait na\u00eff de penser que cette \u00e9volution n\u2019a que peu ou prou de r\u00e9percussions sur notre fa\u00e7on d\u2019\u00eatre \u00e0 l\u2019autre, de lui parler, le consid\u00e9rer l\u2019appr\u00e9hender. Au-del\u00e0 de l\u2019\u00e9change d\u2019id\u00e9es, la d\u00e9mocratie implique une solidarit\u00e9, une fraternit\u00e9 dirait-on en France, de l\u2019ensemble de ses membres, ce qui passe avant tout par le vivre ensemble. Quel impact la d\u00e9mat\u00e9rialisation des rapports sociaux aura-t-elle sur ce vivre ensemble et donc sur nos d\u00e9mocraties\u00a0? Difficile pour l\u2019heure de r\u00e9pondre pr\u00e9cis\u00e9ment \u00e0 cette interrogation, mais il appara\u00eet certain que les r\u00e9percussions du ph\u00e9nom\u00e8ne seront bien r\u00e9elles, tout comme l\u2019a \u00e9t\u00e9 la d\u00e9mocratisation massive des smartphones sur la vie sociale.<\/p>\n

Enfin, m\u00eame si les appareils permettant l\u2019acc\u00e8s aux services d\u00e9mat\u00e9rialis\u00e9s se font de plus en plus en accessibles, de nombreuses personnes, notamment les plus \u00e2g\u00e9es, n\u2019ont pas les comp\u00e9tences n\u00e9cessaires \u00e0 leur utilisation. Une fracture num\u00e9rique qui devient tr\u00e8s probl\u00e9matique lorsqu\u2019on la met en relation avec la d\u00e9mat\u00e9rialisation des services publics, dont certains ne proposent plus d\u2019alternative, \u00e0 l\u2019instar de la C.A.F., Doctolib, le paiement des imp\u00f4ts, ou encore p\u00f4le emploi. A vouloir d\u00e9mat\u00e9rialiser \u00e0 tout va, ce qui apporte d\u2019ind\u00e9niables avantages en mati\u00e8re \u00e9conomique et \u00e9cologique, on s\u2019expose aussi \u00e0 la r\u00e9duction et la\u00a0 d\u00e9valorisation des rapports humains directs, pourtant essentiels \u00e0 la vie sociale, politique et citoyenne d\u2019un pays et d\u2019une d\u00e9mocratie.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"D\u00e9sinformation et propagande, discours de haine et harc\u00e8lement, balkanisation et cristallisation de l\u2019opinion publique, l\u2019image du Web 2.0 des ann\u00e9es 2000, per\u00e7u comme un formidable vecteur de d\u00e9mocratie et d\u2019\u00e9mancipation citoyennet\u00e9 a aujourd\u2019hui pris un s\u00e9rieux coup dans l\u2019aile ! A tel point qu\u2019on peut l\u00e9gitimement poser la question : internet et le d\u00e9bat en […]","protected":false},"author":2,"featured_media":1473,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[14,1,13],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2017"}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/2"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=2017"}],"version-history":[{"count":4,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2017\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":2021,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2017\/revisions\/2021"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media\/1473"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=2017"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=2017"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=2017"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}