{"id":2809,"date":"2023-02-21T16:27:36","date_gmt":"2023-02-21T15:27:36","guid":{"rendered":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/?p=2809"},"modified":"2023-03-10T09:18:00","modified_gmt":"2023-03-10T08:18:00","slug":"memoire-de-fille-lever-les-tabous-par-le-theatre","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/2023-02\/memoire-de-fille-lever-les-tabous-par-le-theatre\/","title":{"rendered":"\u00ab\u00a0M\u00e9moire de fille\u00a0\u00bb : le th\u00e9\u00e2tre pour lib\u00e9rer la parole"},"content":{"rendered":"

Le 15 mars dernier, le La\u00fc recevait la troupe de th\u00e9\u00e2tre des \u00ab Les pieds dans l\u2019eau \u00bb, pour la repr\u00e9sentation de leur pi\u00e8ce \u00ab M\u00e9moire de fille \u00bb, librement adapt\u00e9e du roman \u00e9ponyme d\u2019Annie Ernaud (r\u00e9cemment r\u00e9compens\u00e9 du prix Nobel de litt\u00e9rature). Destin\u00e9 \u00e0 un public mixte, compos\u00e9 d\u2019adolescents fr\u00e9quentant la M.J.C du LA\u00dc et d\u2019autres structures d\u2019accueil accompagn\u00e9s de leurs animateurs, cette repr\u00e9sentation s\u2019inscrivait au sein d\u2019une initiative plus large, \u00e9tal\u00e9e sur plusieurs temps.<\/p>\n

Pens\u00e9e pour lib\u00e9rer la parole de ses publics au sujet du consentement, cette action s\u2019est construite au fil de diff\u00e9rents ateliers, constituant autant de portes pour aborder et mettre en r\u00e9flexion la th\u00e9matique et les nombreux tabous ou a priori l\u2019accompagnant. Atelier de lecture et d\u2019improvisation th\u00e9\u00e2trale destin\u00e9s aux adultes ou atelier d\u2019\u00e9criture\/slam \u00e0 l\u2019attention des adolescents, autant de fa\u00e7ons de prolonger l\u2019exp\u00e9rience v\u00e9cue et les \u00e9motions ressenties afin d\u2019assoir durablement une r\u00e9flexion partag\u00e9e.<\/p>\n

Une initiative plurielle<\/strong><\/p>\n

\u00ab L\u2019aspect le plus important de ce programme, consistait avant tout \u00e0 lib\u00e9rer la parole, briser les tabous attenants au consentement. Des tabous profond\u00e9ment ancr\u00e9s dans les esprits par des si\u00e8cles de non-dits, d’une culture parfois ali\u00e9nante, comme autant d\u2019injonctions tacites adress\u00e9e aux femmes, et quelque part aussi aux hommes \u00bb explique Anne-Lise Blin, administratrice charg\u00e9e de production pour le th\u00e9\u00e2tre (aide \u00e0 la cr\u00e9ation, au financement et \u00e0 la repr\u00e9sentation) et coordinatrice de cette initiative mise en place au La\u00fc avec M\u00e9lanie, animatrice de notre foyer des ados.<\/p>\n

Anne lise a ainsi r\u00e9pondu \u00e0 une demande des collectivit\u00e9 territoriales pour travailler sur ces th\u00e9matiques. Un programme d\u2019action imagin\u00e9 et construit apr\u00e8s avoir aid\u00e9 la compagnie des pieds des l\u2019eau \u00e0 mettre en \u0153uvre leur cr\u00e9ation : \u00ab m\u00e9moire de fille \u00bb.<\/p>\n

Lib\u00e9rer la parole, mais aussi regrouper jeunes et animateurs autour d\u2019une m\u00eame r\u00e9flexion pour mieux la mettre en partage, \u00e0 travers cette rencontre trans g\u00e9n\u00e9rationnelle.<\/p>\n

\u00a0\u00ab On mesure au quotidien la persistance et le poids de ces non-dits comme en t\u00e9moignent d\u2019ailleurs les r\u00e9actions des publics, lorsqu\u2019on aborde d\u2019une fa\u00e7on ou d\u2019une autre les th\u00e8mes de la sexualit\u00e9, des rapports gar\u00e7ons-filles, des agressions et du consentement, pr\u00e9cise Anne, autant d\u2019\u00e9l\u00e9ments qui soulignent l\u2019importance d\u2019amener le sujet sur la table \u00bb. Cela reste en effet un sujet difficile \u00e0 aborder avec nos jeunes au quotidien, constate M\u00e9lanie, on le voit \u00e0 travers les silences des filles ou les questions un peu provoquantes des gar\u00e7ons, des r\u00e9actions diff\u00e9rentes pour un m\u00eame \u00ab malaise \u00bb \u00e0 l\u2019id\u00e9e d\u2019en parler, m\u00eame dans le cadre des ateliers. Au final, les r\u00e9actions et prises de paroles ont \u00e9t\u00e9 aussi nombreuses que pr\u00e9cieuses, les langues se sont d\u00e9lies parfois sur le partage d\u2019exp\u00e9rience traumatisantes, ou de t\u00e9moignages charg\u00e9s en \u00e9motion, mais aussi sous formes de questions ou de partage d’opinion.<\/p>\n

Des Ateliers compl\u00e9mentaires de la repr\u00e9sentation de la pi\u00e8ce, \u00e9l\u00e9ment central du dispositif.<\/p>\n

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Du roman au th\u00e9\u00e2tre<\/strong><\/p>\n

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Mont\u00e9 \u00e0 partir d\u2019un extrait de 20 pages du roman d\u2019Annie qui en compte 150, la pi\u00e8ce s\u2019attache \u00e0 traduire th\u00e9\u00e2tralement l\u2019intention artistique de l\u2019auteure, le c\u0153ur de son propos, notamment par une mise en sc\u00e8ne qui met en forme le d\u00e9doublement narratif du personnage principal, qui n\u2019est autre que l\u2019auteure elle-m\u00eame, la narratrice.<\/p>\n

Autobiographique, \u00ab\u00a0m\u00e9moire de fille\u00a0\u00bb nous donne \u00e0 lire le plongeon introspectif de l\u2019auteure au sein d\u2019une m\u00e9moire refoul\u00e9e, Un traumatisme enfoui tout au long de sa vie, qu\u2019elle exhume de son pass\u00e9 par l\u2019\u00e9criture dans un geste aussi cr\u00e9atif que salvateur.<\/p>\n

\u00ab Notre pi\u00e8ce a \u00e9t\u00e9 mont\u00e9e \u00e0 partir d\u2019un passage central du roman, o\u00f9 l\u2019auteure relate l\u2019exp\u00e9rience traumatisante de sa premi\u00e8re nuit avec un homme, alors \u00e2g\u00e9e de 18 ans et ne connaissant rien de la sexualit\u00e9 (elle quitte son foyer en campagne pour aller travailler au sein d\u2019une colonie, o\u00f9 elle rencontre d\u2019autres jeunes) faisant ressurgir la douloureuse et vive m\u00e9moire de ce qui pourrait s\u2019apparenter \u00e0 un viol. Un souvenir enfoui tout au long de sa vie, qu\u2019elle d\u00e9terre ici par l\u2019\u00e9criture, \u00e2g\u00e9e de 80 ans, pour enfin la regarder, ou plut\u00f4t retourner \u00e0 la rencontre de \u00ab cette fille \u00bb qu\u2019elle a \u00e9t\u00e9, dont elle \u00e9voque la pr\u00e9sence \u00e0 la troisi\u00e8me personne \u00bb : \u00ab elle \u00bb, \u00e0 travers un d\u00e9doublement du narrateur \u00e0 m\u00eame de mettre en expression la perte irr\u00e9versible d\u2019une innocence, explique Violette Campo, actrice et metteuse en sc\u00e8ne de cette adaptation th\u00e9\u00e2trale. Cette exp\u00e9rience traumatisante marque une rupture fondamentale, qui s\u2019av\u00e8rera d\u00e9terminante tout au long de la vie de l\u2019auteure, une profonde cicatrice sur sa psych\u00e9.<\/p>\n

Sur sc\u00e8ne, ce d\u00e9doublement de la narratrice se traduit par la pr\u00e9sence de deux actrices sur sc\u00e8nes, Violette qui joue l\u2019Annie Ernaud qui \u00e9crit et Lisa Garcia, sa fille, qui incarne ici l\u2019Annie du r\u00e9cit, de 18 ans, une \u00a0famili\u00e8re inconnue dont on suit l\u2019histoire. \u00ab Tout comme l\u2019auteure, nous regardons \u00ab cette fille \u00bb \u00e0 la fois dans son alt\u00e9rit\u00e9, comme une autre que nous, mais aussi dans son ips\u00e9it\u00e9, comme un reflet nous renvoyant \u00e0 notre Humanit\u00e9, notre empathie.<\/p>\n

\u00ab\u00a0je suis tomb\u00e9e sur ce texte qui m\u2019a d\u2019embl\u00e9e saisie, notamment par son titre\u00a0: \u00ab\u00a0M\u00e9moire de fille\u00a0\u00bb et non \u00ab\u00a0m\u00e9moire d\u2019une fille\u00a0\u00bb une tournure qui conf\u00e8re une port\u00e9e universelle \u00e0 ce r\u00e9cit, alors m\u00eame qu\u2019il s\u2019articule autour de la narration \u00e0 la premi\u00e8re personne d\u2019une exp\u00e9rience aussi intime que traumatisante. C\u2019est un \u00ab\u00a0je collectif\u00a0\u00bb dans lequel peuvent s\u2019incarner l\u2019ensemble des filles. Cela touche au conditionnement culturel qui p\u00e8se sur les femmes, de ce qu\u2019on leur demande d\u2019\u00eatre, du poids de ces injonctions non dites. Cette distance prise avec le jeune Annie, nous permet de la voir pleinement, de comprendre cette fille qui nous interroge \u00e0 travers l\u2019universalit\u00e9 de sa condition, pour mieux comprendre les m\u00e9canismes \u00e0 l\u2019\u0153uvre dans cette exp\u00e9rience v\u00e9cue et au-del\u00e0, dans toutes celles qui lui ressemblent.<\/p>\n

Un grand miroir se dresse au milieu des d\u00e9cors de la pi\u00e8ce, comme une porte nous renvoyant notre propre regards, per\u00e7ant au travers des \u00e9motions et des questions sans r\u00e9ponses qui pars\u00e8ment cette histoire.<\/p>\n

Par l\u2019\u00e9motion, la r\u00e9flexion.<\/strong><\/p>\n

Parall\u00e8lement \u00e0 la repr\u00e9sentation de m\u00e9moire de Fille, \u00e9taient propos\u00e9s des ateliers cr\u00e9atifs aux adolescents et \u00e0 leurs animateurs. \u00c9criture de textes sur le th\u00e8me du consentement, lecture partag\u00e9e du passage du roman mis en sc\u00e8ne dans la pi\u00e8ce ou encore improvisation th\u00e9\u00e2trale sur des situations de domination du quotidien , autant de portes ouverte pour aborder la r\u00e9flexion sur le consentement.<\/p>\n

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Venant d\u2019un milieu ouvrier, j\u2019ai toujours eu \u00e0 c\u0153ur de partager mon amour du th\u00e9\u00e2tre et de la litt\u00e9rature \u00a0avec le plus grand nombre et ceci en passant avant out par l\u2019\u00e9motion et non l\u2019intellectualisation, car tout ce qui est ressenti est aussi compris, explique Violette. Le th\u00e9\u00e2tre a ceci de magique qu\u2019il repose avant tout sur cette m\u00e9canique, ce qui le rend universel\u00a0: on est transpos\u00e9 dans le corps des autres, dans l\u2019\u00e9motion qu\u2019ils vivent sur le moment. M\u00eame les gens qui ne parlent pas fran\u00e7ais peuvent ainsi ressentir et comprendre l\u2019objet d\u2019une lecture, d\u2019un personnage, d\u2019une mise en sc\u00e8ne.<\/p>\n

A travers les ateliers, on re\u00e7oit la lecture de l\u2019autre, on passe par les \u00e9motions ressenties pour transcender une id\u00e9e et par le biais du jeu nous partageons les \u00e9motions. \u2026<\/p>\n

Il en va de m\u00eame pour les ateliers d\u2019\u00e9criture Slam. Encadr\u00e9 par une artistes de la discipline, les adolescents ont tous \u00e9crit un texte pour y coucher leurs regards sur la pi\u00e8ce et ses questions. Un exutoire dont on pouvait mesurer la n\u00e9cessit\u00e9 \u00e0 la charg\u00e9 \u00e9motionnelle d\u00e9gag\u00e9e ces textes et ces lectures. \u00a0\u00a0<\/p>\n

\u00ab j\u2019aime quand le th\u00e9\u00e2tre parle de la r\u00e9alit\u00e9, confie Anne lise, qu\u2019il nous sert \u00e0 la regarder vraiment. Un miroir parfois si vrai qu\u2019il nous touche au plus profond, saisit le public dans son intimit\u00e9. A l\u2019image de l\u2019auteur du livre, Annie Ernaud, cela cr\u00e9e une distance qui nous permet \u00e0 nous, public, de sortir de notre v\u00e9cu, notre intimit\u00e9 pour mieux voir cette r\u00e9alit\u00e9, telle qu\u2019elle est, pas telle qu\u2019on la raconte.<\/p>\n

Ce spectacle \u00ab\u00a0tout public\u00a0\u00bb sera rejou\u00e9 le vendredi 17mars \u00e0 20h00 au La\u00fc.<\/strong><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"Le 15 mars dernier, le La\u00fc recevait la troupe de th\u00e9\u00e2tre des \u00ab Les pieds dans l\u2019eau \u00bb, pour la repr\u00e9sentation de leur pi\u00e8ce \u00ab M\u00e9moire de fille \u00bb, librement adapt\u00e9e du roman \u00e9ponyme d\u2019Annie Ernaud (r\u00e9cemment r\u00e9compens\u00e9 du prix Nobel de litt\u00e9rature). Destin\u00e9 \u00e0 un public mixte, compos\u00e9 d\u2019adolescents fr\u00e9quentant la M.J.C du LA\u00dc […]","protected":false},"author":2,"featured_media":2810,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":[],"categories":[14,13],"tags":[],"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2809"}],"collection":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/2"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=2809"}],"version-history":[{"count":8,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2809\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":2817,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/2809\/revisions\/2817"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media\/2810"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=2809"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=2809"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/www.mjcdulau.fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=2809"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}