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« Handi Ressource » : l’Education populaire au service du rapprochement

 

Anne BIREMBAUX est conseillère en éducation populaire et jeunesse au sein de la DDCS (direction départementale de la cohésion sociale) depuis 2004. Son travail consiste à mettre en application au niveau départemental les grandes politiques publiques menées en amont par l’Etat. Animée par de fortes valeurs solidaires qui l’ont conduite vers ce travail, elle s’est engagée en 2012 sur la réalisation d’un projet de grande envergure que lui avait délégué son chef de service  Phillipe ETCHEVERRIA: développer et favoriser l’accueil des enfants en situation de handicap en centre de loisirs et assurer leur inclusion sur des groupes d’enfants mixtes. Une initiative locale qui prit forme avec la création d’un groupe de pilotage regroupant professionnels du médico-social, de l’animation ou du secteur éducatif et des parents d’enfants concernés, réfléchissant ensemble, par le partage d’expérience et sans idées préconçues, aux solutions les plus efficaces et souvent les plus simples, à commencer par le changement de regard sur la difficulté de l’exercice. 

Elle-même porteuse d’une prothèse complète de la jambe droite, Anne BIREMBAUX a pu constater que les obstacles à l’intégration des enfants en situation de handicap sont bien plus liés à l’appréhension d’une situation, qu’à la situation elle-même, qui se règle souvent facilement dès lors qu’on ne focalise pas son regard sur l’étiquette « handicapé » mais plutôt sur celle d’ « enfant », avec des spécificités, comme c’est le cas pour tous les enfants. 

 

Faire de l’éducation populaire sans le savoir 

Alors même qu’elle figure dans l’intitulé de son travail, Anne confesse que la notion d’éducation populaire n’était pas des plus limpides dans son esprit lorsqu’ elle prit ses fonctions, suite à l’obtention de son concours… de surcroît lorsqu’on connaît la richesse du concept, qui voit ses principes mis en œuvre par bien des biais différents. 

« C’est avant tout l’envie de travailler pour le bien commun qui m’a poussée sur cette voie. Il faut reconnaître que si les grands principes d’éducation populaire sont compris par beaucoup, il n’y a pas définition claire de cette notion, avec des contours bien définis ». Un constat d’ailleurs partagé par de nombreux travailleurs de cette éducation « pour tous et par tous », comme nous le rappelait récemment Christian Maurel, lors d’une belle conférence sur le sujet (qu’est-ce que l’éducation populaire, NDLR). 

« Ce que j’ai pu constater au cours de mon expérience professionnelle, c’est que beaucoup de travailleurs des secteurs sociaux ou culturels font de l’éducation populaire sans en avoir conscience, et d’ailleurs l’inverse est aussi vrai. L’un des apports les plus riches de l’éducation populaire repose selon moi sur l’approche concertée, collective, fondée sur les croisements des regards. C’est cette voie que nous avons adoptée dans notre projet sur le handicap et les accueils collectifs de mineurs. » 

 

Un comité de pilotage riche de sa diversité 

Si le travail d’Anne BIREMBAUX consiste à mettre en application au niveau départemental les grandes politiques publiques menées en amont par l’Etat, ce projet est né d’une impulsion plus personnelle. Suite à une grande enquête auprès des structures de terrains, effectuée, apparaît le constat de lacunes significatives, en matière de savoir-faire notamment sur la question de l’accueil des jeunes en situation de handicap. 

« Nous sommes partis du constat que ce champ de travail, à savoir l’accueil des enfants porteurs de handicap au sein des ACM, était encore en 2012 dépourvu de politiques publiques fortes et marquées dans le domaine. La grande enquête que nous avons lancée en 2013 nous montrait que l’accueil des enfants porteurs de handicap se faisait déjà, mais au cas par cas, de façon « informelle ». Bien que volontaristes, d’autres structures refusait parfois cet accueil par peur de ne pas savoir ou de mal faire. On retrouvait une appréhension similaire de la question auprès de parents d’enfants en situation de handicap, qui cherchaient des solutions auprès de structures spécialisées. » 

L’idée fût alors de monter un groupe de travail pour réfléchir riche de son hétérogénéité pour proposer des réponses globales. De nombreux acteurs associatifs du département, municipaux et fédéraux, issus de structures d’éducation populaire, mais aussi des parents (notamment avec l’association pour la guidance parentale infantile), des professionnels du secteur médico-social (avec des spécialistes du handicap) ont rejoint ce groupe de travail, avec enthousiasme. L’une des clefs de voûte de notre approche consistait à aborder nos réflexions, questions et points de vue en se débarrassant de toute idée préconçue, de considérer la parole de chacun avec attention et équité et enfin de croiser regards et savoirs, avec une mise en valeur du vécu et de l’expérience. » 

« Cette mise en réseau d’acteurs et de parents permet aussi de casser des barrières existantes entre les champs professionnels, comme les doutes ou idées préconçues. On se rend vite compte que, dès lors que l’on crée un environnement de travail fondé sur l’écoute, on parvient à des résultats optimaux. J’ai eu affaire avec des personnes très investies dans leurs métiers, porteuses de convictions très fortes, des personnes « moteur » dans notre travail dont l’engagement était contagieux. » 

Une approche aux couleurs de l’éducation populaire, dont la valeur est basée sur l’écoute et la croisée de perspective. « Nous envisagions au départ de recourir à des centres spécialisés labellisés pour accueillir ce type de public, mais nous avons changé cette approche suite aux discussions et partages d’expérience du comité. L’objectif qui émergea reposait précisément sur le fait que l’enfant ne soit pas accompagné par des spécialistes mais qu’il reçoive au contraire un accueil « normal », c’est à dire commun à tous les enfants. 

 

Dédramatiser les situations 

Lorsqu’on réfléchit à la question de l’accueil d’enfants en situation de handicap (qu’il soit physique ou psychique) dans des structures travaillant d’ordinaire avec des enfants valides, on se heurte à des appréhensions de toutes parts, partagées autant par les professionnels que par les parents (quelle que soit la situation médicale de leurs enfants) : peur de mal faire, de ne pas savoir etc… L’une des principales conclusions à laquelle nous sommes parvenus au sein de ce groupe de travail, c’est qu’il ne faut pas prendre le problème à l’envers et être victime de notre propre regard. Il s’agit avant tout d’accueillir un enfant, avec toutes les spécificités qui sont les siennes, comme c’est le cas pour tous les enfants. Bien souvent, cela se passe très simplement, et on s’aperçoit que le problème réside bien plus souvent dans l’appréhension de la situation, que dans la situation elle-même. 

Ainsi, plutôt que de recourir à des intervenants spécialisés sur le public en situation de handicap, nous avons choisi d’accompagner dans notre action les animateurs et acteurs éducatifs du territoire, via un pôle ressource. Changer l’approche professionnelle donc en suivant un « protocole » communs à tous les enfants : penser l’enfant avec ses spécificités (handicap ou peur du noir) et penser au bien du groupe. Il y a bien sûr des cas inadaptés au centre de loisirs, que ce soit l’enfant lui-même dont le handicap n’est pas compatible du tout avec les activités proposées ou le reste du groupe, qui ne doit pas non plus être lésé dans son programme. L’expérience doit être qualitative et bénéfique pour l’ensemble du groupe. Mais dans la majorité des cas, l’accueil ne nécessite pas de gros moyens supplémentaires. (Par exemple, des pictogrammes pour aider un enfant victime de mutisme à communiquer sur ses besoins). 

Du côté des enfants, qui ne sont pas encore ado, on constate que l’intégration dans leur groupe de camarades en situation de handicap ne pose aucun problème, dès lors qu’on répond à leurs questions, qu’on leur explique la nature du handicap : « Les enfants n’éprouvent aucune gêne ou appréhension face à cette situation et contrairement à ce que l’on croit parfois, ils font montre de beaucoup de bienveillance ». 

Elle-même porteuse d’une prothèse complète de la jambe droite, Anne BIREMBAUX tient à dédramatiser les regards parfois portés sur le handicap, « une particularité parmi d’autres, comme nous en avons tous ». Férue de ski, elle raconte avoir particulièrement apprécié l’accueil au sein du club de ski de Lescar, qui ont répondu très simplement à sa demande de pratiquer ce sport de glisse. « C’était quelque chose que je refusais au départ, skier sur une seule jambe. D’abord parce que j’ai appris sur deux, équipée de ma prothèse, ensuite car je ne voulais pas « afficher » mon handicap. C’est ma sœur qui m’a offert une semaine de cours de ski sur une jambe, je ne pouvais donc pas refuser ! Et cela m’a beaucoup plus, car on goûte vraiment à la sensation de glisse et de liberté, sans avoir à gérer la prothèse et son poids. 

Ce que j’ai particulièrement apprécié c’est l’accueil très simple que j’ai trouvé dans ce club : pas d’appréhension particulière, une démarche axée sur la simplicité et le plaisir, pas de barrières psychologiques, comme c’est parfois le cas chez « les bipèdes » s’amuse Anne, l’œil rieur mais un regard et un traitement similaire à celui des autres pratiquants, ce que j’ai particulièrement apprécié. » 

 

Handi-ressource 64 : un pôle accessible à tous 

Afin de mettre en œuvre l’accompagnement des professionnels dans l’accueil en centre de loisirs des enfants en situation de handicap, le comité de pilotage s’appuie sur l’expérience d’une association forte d’une riche expérience sur l’accueil des enfants en situation de handicap et leur inclusion au sein de groupes mixtes : Elgarrekin. Créée en 1993 cette association est un centre d’animation qui organise des activités pour les enfants âgés de 3 à 17 ans. Elgarrekin propose un accueil aux enfants en situation de handicap avec pour objectif l’intégration sur des temps de loisirs en milieu ordinaire. 

Le pôle handi-ressource 64 aide les familles dans la recherche d’un accueil de loisir à proximité et dans la préparation et la concrétisation du projet de loisirs de leur enfant en situation de handicap ou non par la prise en compte de l’ensemble de ses besoins dans la vie quotidienne. Du côté des professionnels éducatifs, il Coordonne la mise en réseau des différents acteurs : organisateurs, associations de parents d’enfants en situation de handicap, partenaires institutionnels, collectivités territoriales, établissements et services médico-sociaux. Ainsi, son aide va du simple conseil par téléphone, sur l’évaluation d’une situation ou d’un projet d’accueil à l’orientation des équipes pédagogiques vers des formations spécifiques, des journées d’échanges et de partage des connaissances. En outre, elle dispose de multiples outils pédagogiques pour accompagner les différents acteurs vers la réalisation de leurs projets d’accueils. 

« De nombreux acteurs ont œuvré à la réalisation de ce projet précise Anne BIREMBAUX, que l’on peut retrouver au sein du comité de pilotage, qui travaille toujours de concert avec le pôle handi-ressource :  la Direction Départementale de la Cohésion Sociale, le Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques et la Maison Départementale des Personnes Handicapées, la Caisse d’Allocations Familiales Béarn et Soule, la Caisse d’Allocations Familiales Pays Basque et Seignanx , l’Association des Maires des  Pyrénées-Atlantiques, des organisateurs de centre de loisirs : Association Elgarrekin – Mairie de Gan – Association départementale des Francas – Familles Rurales Fédération départementale. Fédération des centres sociaux des Pyrénées Atlantiques, une fédération d’Associations de parents d’enfants handicapés : AGPI, des Etablissements médico-sociaux : CAMSP du Béarn, des Etablissements spécialisés : Trisomie 21 – ADAPEI – ARIMOC – Maison des sourds – PEP64, des Associations Sportives : Comité Départemental des Sports Adaptés » 

Loin de marquer un aboutissement final, la réussite du pôle s’accompagne au contraire de nouveaux défis en enjeux à relever pour les équipes à l’œuvre. « Sur 390 familles consultées à ce jour (c’est une enquête en cours), il apparaît que sur les 25% qui ont mis leur enfants en situation de handicap en centre de loisirs, 93% ont été très satisfaites de l’expérience et 73% des accueils n’ont pas nécessité de mesures spécifiques. » des résultats très encourageants. Ce qui conforte Anne dans la méthode à suivre pour étendre l’action de ce pôle à tous les enfants : pour l’instant nous nous sommes concentrés sur les pré-ados mais l’idée est d’étendre notre travail aux classes d’âge les plus jeunes tout comme aux ados. « Nous suivrons le même protocole de travail avec le comité de pilotage. » 

En 2015 a été promulguée la loi pour l’égalité des droits et des chances (qui reconnaît entre autre à tout enfant en situation de handicap le droit d’être inscrit en milieu ordinaire, dans l’école la plus proche de son domicile).  Reste à accompagner cette loi d’actions concrètes et fortes : « il y a un véritable champs de travail à investir, et nous le ferons par la porte de l’éducation populaire et du collectif ». 

 

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