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LES PORTRAITS DU LAÜ : Pierre Laval, président du Laü, les valeurs de l’autre.

Aujourd’hui retraité de l’Education Nationale, Pierre LAVAL occupe depuis 3 ans le siège de président du conseil d’administration de la M.J.C. du Laü. Il nous relate aujourd’hui son parcours professionnel, jalonné d’expériences aussi diverses qu’enrichissantes, tant dans le secteur public que privé au travers desquelles il s’est forgé des convictions et valeurs humanistes très marquées. Tenant en haute estime le concept de citoyenneté, Pierre a toujours incliné sa carrière professionnelle vers les autres, notamment via son envie de transmettre, former, épanouir les autres mais aussi apprendre d’eux.  

 

Bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie active au sein de l’Education Nationale, en tant que professeur de lettres et de principal de collège, Pierre Laval a endossé bien d’autres casquettes.

Son premier travail, il l’effectue à Alger où il restera 5 ans, d’abord en tant que coopérant militaire puis à titre civil à l’Institut National de la Formation Professionnelle des Adultes. « Ce fut un travail d’équipe dont l’objectif était d’adapter l’appareil de formation à des besoins locaux et non métropolitains comme antérieurement ». Hébergé chez des amis professeurs et universitaires, il nous raconte l’ébullition culturelle qui régnait chez eux : « de nombreux étudiants et intellectuels algériens ou étrangers venaient y débattre de politique et philosophie, de théâtre et d’art en général. J’y ai fait de nombreuses rencontres marquantes, connu des cultures autres que la mienne. J’y rencontrai Kateb Yacine, auteur algérien d’expression française, ( Nedjma, est son œuvre la plus connue) sur lequel je rédigeais ma maîtrise et qui est devenu un ami. Je garde un excellent souvenir de cette période, où j’ai vu mes convictions se forger. »

De retour en France où il prépare son concours pour rejoindre l’Education Nationale, Pierre entame sa carrière de professeur au sein d’un centre de rééducation pour jeunes délinquantes. Une structure de rétention où sont placées, sur décision de justice, des adolescentes âgées de 12 à 18 ans et dont elles ne sortent que le week-end. Bien qu’il apprécie ce travail auprès de ces jeunes aux parcours difficiles et accidentés, Pierre reste très critique envers certaines des règles qui régissent le lieu, à l’opposé de ses visions et aspirations pédagogiques. « Je m’entendais bien avec les adolescentes, mais je n’aimais pas le fait qu’on les place dans un rapport de dépendance, alors même que l’on cherchait à leur apprendre l’autonomie et la responsabilité. Quand on vous dit tout le temps quoi faire et quand, vous n’êtes pas en mesure de vous prendre en main, ce qui est quand même le but d’une réinsertion. Je me souviens aussi qu’il y avait une cellule d’isolement, exactement comme en prison, pour punir les ados « rebelles », une aberration selon moi, d’autant plus que ces décisions étaient validées par des psychologues du centre, selon lesquels cet isolement permettait aux jeunes filles de réfléchir sur leurs actions.  Tout cela marchait tellement bien qu’il n’était pas rare de retrouver d’anciennes résidentes du centre, sur le trottoir, une fois qu’elles étaient sorties : déplorable ! »

Alors qu’il enseigne au centre depuis quelque temps, Pierre tombe sur l’une des jeunes filles résidentes, à l’extérieur : Malika, en pleine fugue, qui lui demande de l’aide et de l’emmener avec lui. « Je me trouvais face à un réel dilemme. Si j’acceptais sa requête, j’étais bien sûr hors la loi. Cela pouvait avoir de graves conséquences professionnelles et judiciaires. D’un autre côté si je la ramenais « manu militari » au centre où elle aurait directement rejoint la cellule d’isolement, je rompais tout lien de confiance, non seulement avec Malika mais aussi avec toutes les filles du centre et cela, je m’y refusais. J’ai donc décidé de la prendre avec moi et de l’emmener chez des amis professeurs d’université non sans avoir bien sûr prévenu le centre de cette initiative, afin qu’un signalement ne soit pas déclenché. J’ai informé le juge pour enfants de cette situation et proposé une solution pédagogiquement constructive. Mes amis m’ont accompagné chez le juge et sont devenus les référents éducatifs officiels de la jeune fille. J’ai aussi négocié qu’on lui évite la cellule d’isolement pour cette « incartade ». Par la suite, Malika a tissé des liens avec mes amis devenus ses référents éducatifs qui l’ont aidée dans son parcours étudiant, jusqu’à ce qu’elle obtienne le diplôme d’éducatrice spécialisée : une belle réussite dont je suis très fier et qui m’a marqué. »

 

De retour en France, Pierre trouve un travail à Paris chez Renault tout en préparant son CAPES en lettres modernes. Son travail consiste alors à accueillir les jeunes sortant de lycée professionnel et titulaires d’un C.A.P entrant dans l’entreprise, leur dispenser des cours de français mais aussi leur présenter le paysage et patrimoine culturel ou institutionnel de la capitale. Il s’occupe également, au sein d’une équipe, de favoriser le passage d’OP à technicien, dans le cadre d’une politique de promotion interne. Il se familiarise pour cela avec la logique des automatismes en même temps que les OP dont il a la charge. « Ce travail constitua une expérience très enrichissante, notamment au niveau pédagogique. En effet, pour apprendre aux autres, il faut d’abord apprendre d’eux, comprendre leur regard, leur façon de faire et d’appréhender les choses, se mettre à leur place en somme ».

Il quitte plus tard l’entreprise Renault pour rejoindre l’Education Nationale. « J’ai toujours aimé profondément l’enseignement mais je me souviens ne pas avoir cantonné mon action à à la seule tâche consistant à assurer des cours. J’ai par exemple le souvenir d’avoir récupéré un vieux projecteur de cinéma 16 millimètres qui prenait la poussière dans un collège. J’ai pu ainsi monter un ciné-club pour les élèves, qui s’en sont emparé. Les activités extra-scolaires ou animations socio-éducatives sont tout aussi importantes pour l’épanouissement des jeunes dans la mesure où ils peuvent également s’y investir. »

Une vision pédagogique forte, que suivra Pierre tout au long de sa carrière, notamment en tant que principal de collège. « J’ai toujours veillé à rendre le foyer socio-éducatif des établissements dans lesquels j’ai exercé mon activité très actif. Pour cela, j’ai fait en sorte qu’il soit pris en charge, tant financièrement que dans la pratique, par les parents d’élèves, selon un schéma structurel associatif (avec un président, trésorier etc…). Cela permettait d’impliquer les parents dans la vie du collège, une porte par laquelle beaucoup d’entre eux ont contribué à animer ce lieu de vie avec de nombreux projets. Pour les financements des projets, les parents organisaient des lotos ou imaginaient d’autres actions co-animées avec les élèves. Impliquer les parents, permettre aux élèves d’exercer une responsabilité, c’est aussi aider à la construction d’une communauté éducative. » 

 

Aujourd’hui retraité depuis quelques années, Pierre exerce sa citoyenneté via l’action associative, notamment au sein du conseil d’administration du Laü. « Selon moi, la vie associative d’une maison des jeunes et de la culture consiste à rencontrer les jeunes, rester connecté à cette génération, à connecter les générations entre elles . C’est aussi rencontrer des personnes de milieux différent, s’ouvrir l’esprit, croiser ses perspectives avec celles d’autrui. Je suis rentré au Laü via l’association de danse orientale « mille et un rêves d’Orient ». Pour être honnête, ce n’est vraiment pas la danse orientale qui m’intéressait en soi, mais bien plus le fait d’apporter ma contribution, même organisationnelle au sein d’un collectif. La préparation d’un évènement de fin d’année, comme les différents spectacles que nous avons proposés au public, constitue un travail d’équipe conséquent. Si je suis par la suite rentré au conseil d’administration du Laü, c’est aussi pour ces raisons : Participer à un projet commun au sein d’une entité comme la M.J.C., à la fois plurielle dans sa constitution (fondée sur de nombreuses associations différentes et autant de projets) et singulière dans la cohérence de son projet. Le rôle du C.A. consiste à  définir une politique, donner les grandes orientations, prendre ensemble les décisions nécessaires à une bonne marche de la maison, notre action se fondant sur les principes de l’éducation populaire, tels que déclinés dans nos statuts. Il ne s’agit pas d’occuper un siège d’administrateur « honoris causa » (c’est-à-dire pour l’honneur du titre) mais bien avec l’idée de contribuer à un collectif, d’être dans le pluriel, en ayant le souci que chacun s’exprime et puisse apporter sa pierre à l’édifice.  Si par ailleurs la MJC doit revendiquer une autonomie, via la défense et la mise en action de son projet, elle doit aussi replacer ce dernier au cœur d’un écosystème plus large nécessitant de connaître l’environnement politique et institutionnel,  être ainsi force de proposition, et  reconnue pour un savoir-faire et une légitimité citoyenne. Selon moi, l’action associative est un réel moyen d’exercer concrètement ma citoyenneté. »

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